2022 : la fin du monde n’existe pas

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle.

En règle générale, quand un texte commence de cette façon, tu as le droit de te montrer inquiète. Tu pressens, en effet, que la bonne nouvelle n’en sera pas vraiment une. Et tu appréhendes que la mauvaise aille bien au-delà du pire. Et c’est justement le cas ici. Du coup, tu as sous les yeux l’un des pires textes jamais publiés sur ce site. Certes, la concurrence est rude mais j’ai toujours en réserve quelques ressources de mauvaise foi que je peux formater à l’envi grâce à une panoplie inégalée d’emporte-pièces littéraires garantis à vie.

Or donc. Une bonne et une mauvaise nouvelle.

  • bonne nouvelle : la fin du monde n’existe pas ;
  • mauvaise nouvelle : elle commence tout bientôt.

Pas de panique, cependant : « tout bientôt », ne veut pas dire « immédiatement ». Et selon mes calculs de faussaire numérique, tu devrais avoir le temps de lire cet article jusqu’au bout. Ne traîne pas trop non plus…

  1. Fin finale ou fin finaude ?
  2. Échauffements climatiques
  3. Système proie-prédateur
  4. L’erreur est humaine
  5. Montée des eaux, dégâts des os !
  6. Conclusions incertaines

1. Fin finale ou fin finaude ?

C’est désormais une certitude, les générations qui viennent auront à subir les lourds effets d’un bouleversement des conditions de vie à la surface de la planète. Et à sa surface uniquement. C’est-à-dire à plus ou moins 5000 mètres par rapport au niveau actuel de la mer que l’on peut encore voir danser le long de golfes de moins en moins clairs. L’intégrité physique de la Terre en tant qu’astre n’est nullement menacée. Il n’y a donc aucune raison de suivre aveuglément l’une ou l’autre école du catastrophisme apocalyptique « made in business school » : le survivalisme préhistorique, d’une part, avec de bons gros morceaux de philosophies rétrogrades dedans, et, d’autre part, la recherche d’un transhumanisme spatio-migrateur et décomplexé du droïde, nouveau Graâl des technophiles convaincus que la machine est un dieu acceptable.

Si le combat se limitait à « sauver la planète », alors nous pourrions nous rendormir et reprendre deux fois des huîtres aux métaux lourds : la planète Terre est là pour encore quelques milliards d’années. Avec ou sans nous. En tant qu’objet céleste, elle n’a ni âme, ni conscience. Elle se fout totalement de ce qui peut arriver aux vivants qui lui trotte sur le râble. Un été indien ou un hiver nucléaire, peu lui chaut. Elle est déjà passée par des états physiques que même les plus pointus des géologues ne peuvent imaginer. Elle revient de l’extrême. Elle est née de cet extrême. Elle est en route pour d’autres extrêmes. Elle se contrefout de nos peurs d’enfants gâtés comme de son premier rayon cosmique.

Par contre, si le combat est la sauvegarde du maximum de ce qui pousse, court, vole, nage ou bruisse sur ce joli globe, alors il va falloir se bouger les fesses car l’urgence est déjà en train d’appareiller vers l’irrémédiable. Son ticket est validé et nos éventuelles réclamations ne donneront lieu à aucun remboursement.

Aussi, plutôt que de jouer au secouriste de la vingt-cinquième heure, tentons de maîtriser ces trois choses : nos attentes, nos certitudes et nos angoisses. Dans n’importe quel ordre puisqu’elles sont très étroitement entremêlées. Au point de n’exister que l’une par rapport aux autres. Évidemment, maîtriser l’une n’assure nullement de maîtriser les deux autres. Ce serait trop facile. Pas assez humain. Cet exercice de maîtrise ressemble davantage au fait de tricoter en dansant sur le fil fragile de la pelote : une maille à l’endroit, un pas sur le côté, une maille à l’envers du décor, un entrechat de gouttière…

Il y a quelques bonnes questions à se poser.

  • Qu’attendons-nous d’un futur dans lequel nous ne serons rien d’autre qu’un peu de poussière en partie recyclable ?
  • Avons-nous une confiance aveugle en la science ou avons-nous systématiquement recours au divin ?
  • Mélangeons-nous l’une et l’autre ?
  • Que croyons-nous savoir ?
  • Que pensons-nous ne pas savoir ?
  • Qui nous ment ?
  • Qui nous manipule ?

Pourquoi les ours blancs et les coquelicots seraient-ils plus « bankable » « sauvegardables » que les tribus amazoniennes ou les moustiques de la mangrove ? Qu’est-ce qu’un paradis sans enfer ? Comment parader sans s’en faire de l’avenue Denfert à la rue de Paradis ?

2. Échauffements climatiques

Le changement climatique qui nous vaut une alternance rapprochée de canicules et de blizzards n’est pas une première dans l’histoire de cette jolie planète. Il y en a eu longtemps avant la révolution industrielle, il y en aura encore après. Ces changements sont inhérents à l’activité géologique perpétuelle qui fait de la Terre un caillou à part dans le vaste univers. D’ailleurs, histoire d’embrouiller définitivement ce pauvre texte et t’obliger à reprendre, soit une brouettée d’aspirine, soit un baril de méthanol, sache que nous vivons actuellement une période glaciaire entrecoupée d’une exceptionnellement longue période interglaciaire, elle-même désormais surchargée d’une période mal définie de réchauffement global. Et c’est bien évidemment ce dernier qui nous pose problème. Par sa rapidité d’action autant que par ses inextricables tenants et aboutissants qui empêchent toute vision claire et, subséquemment, toute action d’envergure, par ailleurs inutile puisqu’il n’y a pas de marche arrière possible.

La succession de changements climatiques conditionne la présence et la répartition de l’eau sous ses trois états : gazeux, liquide, solide. L’eau, ça te rappelle quelque chose ? Cette molécule indispensable à toute vie même lorsqu’elle est alourdie de caféine, parfumée au houblon ou noyée de pastis. La conjugaison mouvante de ces trois états est responsable des variations gigantesques qui influent sur l’étendue, la profondeur et l’amplitude des marées et des nappes souterraines. Elle est également responsable de l’évaporation partielle des océans, évaporation qui va, soit se perdre dans les hauteurs atmosphériques et se désagréger en atomes solitaires, soit se condenser dans ces mêmes altitudes puis déferler sur des sols qui n’attendent que la pluie pour resplendir de végétaux et de rivières.

Les changements climatiques façonnent les changements de physionomie de la Terre et sont la preuve irréfutable que ce monde est vivant puisqu’il change et évolue. Et un monde qui change, même brutalement, n’est pas un monde qui se finit. C’est plus sûrement l’inverse. C’est un monde qui se débarrasse de ce qui ne fonctionne plus pour repartir sur des bases assainies.

Voilà pour la bonne nouvelle : il n’y aura pas de fin du monde.

Le problème n’est pas que le climat change. Le problème est que nous ne devrions pas percevoir ce changement qui se fait normalement à une échelle géologique qui se mesure en centaines de milliers d’échelles humaines mises bout à bout. Or, ce changement est actuellement trop rapide et la plupart d’entre nous craint de ne pas s’y adapter. D’une part, parce que nous en ignorons les conséquences à long terme (long terme humain, soit deux ou trois générations maximum), d’autre part, parce que nous culpabilisons légitimement sur notre responsabilité de bipèdes trop vite industrialisés. À côté de cette peur, et l’alimentant savamment, il existe un puissant refus de considérer ce changement comme nocif car ce serait remettre en cause ce monde industriel et consumériste bien connu pour être un modèle de respect pour l’environnement et d’empathie pour les êtres qui s’y ébattent.

Voilà pour la mauvaise nouvelle : la seule façon de nous adapter va être de mettre fin très rapidement à ce monde-là précisément.

Ce monde-là, globalement plus connu sous l’horrible nom de « patriarcapitalisme », a su remplacer un système d’évolution pérenne testé sur le temps long par un mécanisme absurde de conservation instantanée à base de domination violente et de soumission consentie. Et ne m’oppose pas l’évolution technologique. La technologie, au mieux, est une innovation matérielle, pas une évolution. Une évolution se caractérise par des changements profonds — parfois radicaux — autant physiologiques que comportementaux. Or, jusqu’à présent, aucune technologie ne nous a réellement fait changer et de physionomie et de psychologie. Sur ces deux aspects, nous ressemblons comme deux gouttes d’eau-de-vie à nos ancêtres cavernicoles d’il y a quelques dizaines de milliers d’années. Nous avons juste un peu moins de poils. Ce que d’ailleurs je déplore, à titre purement personnel.

3. Système proie-prédateur

Bien sûr, beaucoup ne voudront pas tout rejeter de ce monde-là et soutiendront qu’il est possible de ne changer que quelques comportements à la marge. Ne surtout rien faire qui pourrait contrarier sa sacro-sainte majesté « business über alles ».

Malheureusement, on ne remplacera pas cent mille ans de capitalisme du jour au lendemain. D’autant qu’aucune solution de remplacement suffisamment satisfaisante n’existe vraiment à part échanger cette dictature par une autre. Du coup, quels comportements pouvons-nous changer, là, tout de suite, maintenant, sachant que ces comportements ne sont que des empilements successifs de mauvaises manières ?

Dans les jeux de construction verticale, retirer un élément au plus près de la base garantit d’écrouler tout ce qui est au-dessus. Aussi, le premier des comportements à changer — parce que sa chute entraînera à elle seule une cascade de changements salutaires — c’est le comportement proie-prédateur, cette part du capitalisme qui voit dans la surconsommation de toutes choses — y compris humaines, trop humaines — une source intarissable de profits à la fois rapides et gigantesques.

Je te simplifie la chose à l’extrême parce que si tu lis ce texte, c’est que tu es très certainement connecté au bel Internet et qu’icelui te fournira tous les renseignements complémentaires dont tu pourrais avoir besoin. Bref. Côté proie, nous avons une masse de gibier avec un accès non restrictif à l’alimentation et à la reproduction. Bienvenue au paradis ! Open bar sur la bouffe et la baise ! En revanche, pour celui qui court moins vite que les copains, le bar fermera de bonne heure — voire n’ouvrira pas du tout — et la fin de la soirée se passera entre les mâchoires puissantes d’une poignée de chasseurs à l’alimentation ultra-spécialisée et à la reproduction lente et violente. Enfin, pour garantir un certain équilibre à ce système, il existe de nombreux éléments neutres, ni gibier, ni chasseur, chargés d’entretenir l’environnement abritant ce système.

Exemple grossier : un environnement végétal fait de forêts et de prairies dans lesquelles des troupeaux d’herbivores et des colonies de rongeurs serviront de proies aux quelques félidés, ursidés, hominidés et canidés qui se partagent les alentours. Comme éléments neutres, des oiseaux, des insectes, des champignons nettoieront les carcasses et assainiront ainsi l’environnement végétal en lui fournissant de quoi se nourrir à son tour. Ce système, évidemment, n’est pas réversible. Les antilopes ne se mettront jamais à dévorer les lions pendant que ceux-ci dégusteront de jeunes pousses de baobab.

C’est un système bien pensé et parfaitement exécuté. Bravo !

Mais.

Ce système a pour principe l’interaction entre espèces au profit de l’environnement global. Il n’est pas fait pour fonctionner au sein d’une même espèce au profit de quelques individus de cette espèce. Comme je l’ai précédemment écrit : l’espèce humaine « n’est qu’une improbable synthèse, foutraque et hasardeuse, des nombreuses psychologies du vivant ». De ce fait, le capitalisme aurait pu s’inspirer davantage du commensalisme — autre système d’interaction entre espèces mais sur un mode gagnant-gagnant — plutôt que du système proie-prédateur. Dans le système capitaliste, le consommateur est la proie, le producteur est le prédateur. Avec une différence subtile mais importante : les éléments neutres (banques, médias, institutions) ne le sont pas et sont souvent, non seulement en défaveur de la proie, mais surtout issus de la caste des prédateurs. Ce qui, à l’évidence, fausse toute perspective d’évolution.

Cependant.

Du plus simple au plus complexe, tout système possède au moins une faille qui existe pour qu’à un moment parfaitement aléatoire, le système se plante, apprenne de son erreur et en profite pour évoluer, condamnant au passage cette ancienne faille en la remplaçant par une nouvelle. Et ainsi de suite, à chaque étape de l’évolution du système. L’une des failles du capitalisme est sa réversibilité. C’est une faille de taille qui, mise sur de bons rails, pourrait générer une multitude d’entailles dans les entrailles des racailles en chandail. Mais cette faille possède sa propre faille : le coût humain de toute révolution. Un doigt de pagaille, trois poings de flicaille !

Ce qui explique qu’aucune révolution, qu’aucune émeute, qu’aucune insurrection n’est parvenue jusqu’à présent à changer le moindre iota du moindre comportement consumériste. Bien au contraire ! Et lorsque changements il semble y avoir, c’est, d’une part, parce qu’ils sont véniels et facilement réversibles, et, d’autre part, parce qu’ils servent à plus ou moins long terme les intérêts du capitalisme. Tous les révolutionnaires — des plus philosophes aux plus sanguinaires — finissent un jour sur l’étal monétisé d’un marchand de t-shirts…

4. L’erreur est humaine

Ici, il faut considérer deux hypothèses sans aucun fondement scientifique. Juste deux intuitions parmi cent mille autres. Mais ces deux-là ont l’avantage — ou l’inconvénient — de revenir systématiquement me titiller la page blanche dès que je me lance dans ce genre de sujet. En plus, cela me permet de ne pas décider si l’humanité est née d’un groupe unique puis a essaimé sur le globe ou si plusieurs groupes d’hominidés sont apparus à divers endroits de la planète sur une temporalité assez courte.

Première hypothèse : l’espèce humaine est apparue comme un outil d’évaluation afin de tester les différentes évolutions possibles dans le groupe des grands singes et notamment l’exploration complète de la gamme des comportements sociaux entre solidarité absolue et individualisme forcené.

Deuxième hypothèse : la nécessité d’une exploration complète des possibles comportements sociaux a conduit à rapidement diversifier les groupes d’hominidés afin de les isoler les uns des autres, notamment en termes géographiques et linguistiques.

Ces deux hypothèses amènent deux constats. Un, l’expérience est un succès puisque l’humanité développe une gamme de comportements sociaux d’une diversité extraordinaire. Deux, l’expérience est un échec puisque l’outil est devenu autonome et mène désormais ses propres expériences sur ce qui fut jadis son expérimentateur.

La question est donc : à quel moment et pour quelle(s) raison(s) ce nouvel outil fraîchement descendu de son arbre, s’est-il mué en perturbateur ? Puis en pillard ? C’est un mystère qui ne sera sans doute jamais éclairci. Ici, on oublie évidemment la pseudo volonté divine ou diabolique. Sauf si tu es mordu(e) de la chose, auquel cas tu as déjà quitté ou ne va pas tarder à quitter ce texte. Le divin est un argument trop facile et trop éculé pour expliquer l’inexplicable. Il faut juste admettre que certaines choses sont pour toujours hors de notre champ cognitif, ne serait-ce que le fonctionnement exact de ce champ cognitif. « Je ne sais pas… » n’est ni un gros mot ni un aveu de faiblesse. Il est même possible que cette phrase soit la seule à se rapprocher au plus près de l’ombre d’un embryon d’ersatz de semblant de véracité. À l’autre bout du spectre, je ne crois pas non plus à une science exhaustive qui finirait par tout savoir et rangerait ce savoir dans des fascicules incorrigibles et des petites boîtes en carton minutieusement étiquetées. Mais je préfère quand même la science au divin. Elle est beaucoup plus amusante et surtout plus apte à expliquer l’explicable, ce que le divin ne sait même pas faire correctement.

Ces querelles entre les églises et les laboratoires pour l’obtention d’un label exclusif de connaissance du monde, est aussi une déviance du système proie-prédateur, déviance dans laquelle science et divin jouent à tour de rôle, soit le bourreau, soit la victime. Avec quand même une différence importante : lorsque l’église est prédatrice, ce sont des femmes qui sont objetisées, des hommes qui sont assujetis, des enfants qui sont violentés, mais lorsque l’église est (trop rarement) la proie, ce ne sont que ses mensonges qui s’évanouissent, dissipant ainsi les brouillards qui font obstacle à la lumière.

5. Montée des eaux, dégâts des os !

De façon ironique ou provocatrice, le point commun entre sciences et religions est leur goût pour toutes formes d’apocalypses sanguinaires lesquelles font le bonheur et la fortune de la plus zélée des industries capitalistes qu’est l’industrie du cinéma.

Alors que.

Le signe le plus irrévocable et le plus destructeur de l’irréversibilité du réchauffement accéléré (car c’est ainsi qu’il devrait être nommé) sera la montée des eaux. De toutes les eaux. Oui, même les eaux de Vincennes —  blague typiquement parisienne. Car l’eau va terriblement monter. Mise à l’envers, cette phrase est une blague monégasque mais elle est beaucoup moins drôle : Monter, car l’eau va terriblement.

Bref.

L’eau va monter le long des littoraux marins mais aussi dans les terres où les fleuves et les diverses étendues d’eau vont connaître une surélévation aussi soudaine que chaotique de leurs niveaux. Aujourd’hui, l’accent est mis — certes faiblement mais l’information commence à circuler — sur la montée des océans et les ravages induits pour les rivages concernés. Au-delà des chiffres et des cartes futuristes montrant un littoral redessiné et, conséquemment, des pays diminués en terme de surface habitable, il faut bien comprendre que l’eau sur Terre forme un continuum. C’est-à-dire que chaque étendue d’eau visible sur cette planète est reliée aux autres de façon maritime, aérienne ou souterraine. Aussi, chaque changement de volume ou de pression en un point se répercute sur tous les autres.

Là aussi, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. Ou plutôt, une pas trop bonne et une très mauvaise, car la montée des eaux ne fera même pas plaisir aux poissons ! Côté moins pire, la montée des océans se fera progressivement et pourra dans certains cas être, sinon contenue, au moins anticipée. Par contre, côté rivières, ça va être du grand n’importe quoi. Je crains de monstrueuses inondations pour les riverains des communes scindées par un long fleuve tranquille ou par un torrent montagnard. Les rivières, grandes ou petites, ont toutes une origine souterraine et cette origine souterraine est directement reliée au vaste océan. Si l’océan pourra profiter de la masse d’air au-dessus-de lui pour s’étendre, les eaux souterraines ne pourront pas écarter les roches qui les enserrent. Elles jailliront donc de toutes les anfractuosités qu’elle trouveront et s’écouleront dantesques, ivres de liberté, sur des territoires balisés d’amont en aval par de nombreux ruisseaux non préparés à gérer de telles quantités d’eau.

Pris entre deux feux, la montée lente, insidieuse, presque perverse de l’océan et le chaos qui surgira des montagnes pour créer de nouvelles rivières torrentielles, l’humanité verra se rétrécir un espace vital déjà bien petit pour autant de bipèdes. Il y aura des décisions à prendre et nul doute que les élites et les gouvernants, élus ou nommés, continueront de prendre les plus mauvaises. Même pas par méchanceté. Enfin, pas tous. Juste parce qu’ils sont (dé)formés par le capitalisme et ses écoles.

La pandémie actuelle le montre bien. Plus que l’incompétence, c’est la peur de dire « Je ne sais pas. » qui pousse à prendre des décisions inadaptées.

6. Conclusions incertaines

Évoquer des problèmes, avec acuité ou approximation, ne les fait bien sûr pas disparaître. C’est d’ailleurs pour cela que le catastrophisme est aussi lucratif. C’est un exercice facile. D’autant plus facile que les peurs sur lesquelles il joue sont communes à tous les peuples. La peur de la mort, malgré qu’elle est souvent citée, n’en fait pourtant pas partie. Certaines cultures, au contraire, la glorifie et en font le passage obligé vers la paix éternelle moyennant le respect d’une certaine bravoure (ou d’une folie certaine). Ces peurs communes sont celles qui disent notre ignorance. Des mystères de la vie, de l’infini de l’univers, du pourquoi de l’aléatoire, du comment du hasard, du sens réel de ces traces qu’on ne peut s’empêcher de laisser partout où l’on passe, de la simple encoche sur une écorce au drapeau sur un caillou stellaire.

En fait nous ne savons rien. Ou si peu. Et nous ne voulons pas savoir que nous ne savons pas. Nous rejetons l’idée que nous ne saurons jamais. Si bien que chaque nouvelle preuve irréfutable de cette ignorance est aussitôt masquée, aussitôt désignée comme point de non retour, aussitôt ensevelie sous la faconde acide des gourous de l’extrême.

La mauvaise nouvelle est qu’il va falloir se retrousser la cervelle pour voir le monde tel qu’il est. Un voyage sur une mer bienveillante dont les escales se nomment Archipel de la Beauté, Presqu’île de la connaissance et Baie de l’Empathie.

La bonne nouvelle, c’est qu’il pourra pleuvoir sans discontinuer, il y aura toujours un soleil quelque part pour qui sait regarder le monde. Et si, malgré tous tes efforts de veille, tu ne vois toujours pas la lumière, c’est sûrement que tu es ce soleil. Et que le monde te regarde.

Happy new year, happy fellows!

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