Les douze péchés capitalistes

« Dry January ». Encore une idée stupide sortie tout droit d’un bureau marketing au service du lobby de l’alcool. Car il est évident que les adeptes de cette supercherie sont de gros consommateurs qui compenseront très largement les mois suivants.

Dommage. Car l’idée de se désintoxiquer graduellement de l’emprise du consumérisme aurait pu se décliner et offrir un « dry » par mois. Pas pour arrêter d’un coup n’importe laquelle des saloperies qui t’éreinte le corps et te ralentit l’esprit. Car arrêter brutalement une accoutumance demande un exercice de volonté sur tout le temps qu’il te reste à vivre. Pour l’avoir fait totalement avec la cigarette et en partie avec l’alcool, je peux te dire que c’est épuisant, psychologiquement. L’idée, ce serait de réfléchir au pourquoi de toutes ses addictions, de les réduire progressivement et de ne surtout pas compenser par la suite. Et de réduction en réduction, année après année, tu devrais mourir en bonne santé !

Tu vas évidemment me réclamer des exemples… Les voici.

Janvier sans drogue
Parce qu’il n’y a pas que l’alcool. Il y a également les autres substances comme le tabac, les drogues dures ou douces, légales ou illégales, les médicaments de confort… Tout ce que la chimie a de plus toxique ne devrait pas être considéré comme une aide. Surtout à haute dose. Le premier signe d’une addiction n’est pas le premier verre ou le premier joint. Mais c’est déjà le cas du second.
Février sans sucre
Ça aurait pu faire partie des désintoxications de janvier. Mais la liste des addictions est tellement longue qu’il est nécessaire de la couper en deux. Outre les sucreries, on arrêtera également le thé, le café, le chocolat et le tofu. Février est le mois le plus court mais c’est justement le mois idéal pour commencer ce type de désintoxication qui s’avérera certainement comme la plus longue et la plus difficile. Autant y aller doucement au début.
Mars sans politique
Surtout sans politiciens ni politiciennes. Sans débat. Sans sondage. Ces gens sont inutiles et dangereux. Tu as vu l’état de la planète ? L’état des services publics partout dans le monde ? Cette désintoxication-là est très certainement prioritaire puisqu’elle est en grande partie responsable de toutes les autres.
Avril sans guerre
Le bruit des bombes et le labourage des prairies par les énormes chenilles des engins blindés est en inadéquation totale avec la nidification, la préparation des terriers, le réveil des larves, le début des floraisons et les autres manifestations printanières qui font de la vie une anomalie extravagante dans l’univers. Anomalie qu’on serait bien stupide de vouloir réduire à néant. De ce fait, il faut y ajouter toutes les activités armées comme la chasse, la répression policière, les règlements de comptes, etc.
Mai sans ostracisme
Et sans tous ses avatars discriminants, que ce soit pour une teinte d’épiderme, un organe reproducteur, une longueur de cheveux, une préférence sexuelle, un maillot de club de foot, un sandwich sans cadavre animal, un style de musique, un dieu, un roi, un bulletin de vote… Mais… Non. Y’a pas de mais !
Juin sans pétrole
Donc sans voiture. Sans avion. Sans mobylette. Même électrique puisque la fabrication des batteries est encore fortement dépendante de l’utilisation d’énergie fossile. Utilise tes pieds pour marcher ou pédaler. Gonfle les voiles. Ou reste accoudé·e à la balustrade et profite de l’horizon.
Juillet sans publicité
Contrairement aux autres calamités citées ici, on s’apercevra avec étonnement qu’on peut parfaitement se passer de celle-ci sans aucun dommage collatéral. Avec en prime, un sourire extatique et béat à se demander comment on a pu se faire avoir par autant de néant. Le premier pas vers le bonheur est plus simple qu’on ne le croit.
Août sans religion
Il ne s’agit pas de devenir brutalement sans foi (ni loi) mais de réfléchir aux déviances de la foi permises par les dogmes religieux. Sujet forcément épineux mais les maux de crânes subséquents pourront être mis sur le compte de la chaleur étouffante d’un mois d’août qui offrira alors une double ration de vacances aux enfants…
Septembre sans écran
Cinéma, TV, ordinateur, téléphone, hop ! au placard ! Pas même un écran total. Rien. Nada. Nothing. Ton regard libéré du rétroéclairage prendra goût à l’extension des points de vue. Ton pouce pourra de nouveau faire du stop. Ton index humidifié tournera les pages du journal. Ton majeur se lèvera bien haut. Ton annulaire tentera enfin d’attraper cette satanée corde de Mi. Ton auriculaire, quant à lui, te mettra la puce à l’oreille et te confirmera que l’origine de digital est « doigt ».
Octobre sans feuille morte
Ce qualificatif de « morte » n’est pas le bon (sauf s’il s’agit d’un poème de Prévert). C’est un moment particulier du cycle de la vie mais c’est encore la vie. Regarde ! Elles jouent avec le vent ! Elles craquent sous tes pieds. Elles se déplacent, elles se décomposent, elles accompagnent la pluie dans ses voyages souterrains puis elles resurgissent au printemps, ivres de sève et de chlorophylle. Pas mal pour une « morte » !
Novembre sans sport
Contrairement à une idée reçue, le sport n’est pas bon pour la santé. Surtout à la télévision ! Ce qui est bon c’est l’activité. Marcher, jardiner, bricoler, danser, c’est bien suffisant. Sport égale performance égale compétition égale abus d’efforts. De toute façon, il pleut et il fait froid. autant rester à la maison avec un bon livre. Si tu cherches un conseil
Décembre sans cadeaux
Je sais que tu ne tiendras pas toute l’année, il fallait donc un mois sur lequel faire l’impasse. Mais en dehors des douceurs issues de magasins d’alimentation de première nécessité (pain, fromage, pâtée pour le chat), tu pourras quand même t’efforcer de n’offrir que ton cœur.

J’espère que tu auras parfaitement compris que toute cette place désormais vacante dans ton quotidien sera d’autant moins vacante que tu la rempliras de musique, de rires, de découvertes artistiques, de promenades dans les bois, de hasards joyeux, de rencontres improbables et de tant d’autres magies, éphémères ou durables, qui font le bonheur d’être vivant au moins douze mois sur douze.

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