Promotion et communautés

Il y a quelques mois, je m’étais fendu d’un petit texte obscur et un brin idéaliste sur l’état de liberté dans les communautés « open source », ces drôles de micro-sociétés qui rassemblent autour d’un projet informatique basé sur le partage de la connaissance, des gens d’une réelle et oxygénante diversité.

Retour sur ces notions.

C’est un article (un peu ancien) de l’ami agemen qui m’a donné l’envie de replonger dans les délices personnelles de la philosophie de comptoir.

Promotion est un mot qui illustre bien comment le vocabulaire peut lui aussi être victime de la sociéte de sur-consommation. Car à l’origine, promotion est un mot plutôt valorisant, illustrant le déplacement, du bas vers le haut de l’échelle sociale, d’un groupe d’individus répondant aux critères d’une méritocratie d’ordre martiale. Aujourd’hui, le mot n’évoque plus que l’abaissement du prix d’une chalandise et le piège commercial qui s’y cache. De la confiance à la méfiance, donc…

Aussi, parler de promotion du logiciel libre peut prendre un double sens et d’une même parole fonder deux actes contraires.

Point de départ : les logiciels libres, s’ils appartiennent à leurs concepteurs au titre de la propriété intellectuelle, sont surtout sous la dépendance exclusive de leurs utilisateurs. Aucune sociéte commerciale ne peut obliger à l’emploi de tel ou tel logiciel libre : seul l’utilisateur est maître de son choix et à ce titre, participe au mérite et à la promotion « à l’ancienne » de ses logiciels favoris. Ici, nul besoin de mise en lumière artificielle. Certes, les critères d’un utilisateur (pas spécifiquement technicien) seront sensiblement différents de ceux d’un concepteur, mais qu’importe : le but premier d’un logiciel, qu’il soit libre ou privateur, est d’être utile, de s’acquitter d’une tâche précise et de s’en acquitter proprement. Dans cette acception-là, l’utilisateur est bien la personne la plus compétente (il représente ici « l’ordre martial ») pour estimer quel est le logiciel qui s’acquitte au mieux de la tâche qu’il lui confie.

A contrario (de Janeiro), si ce jugement devait être laissé aux concepteurs comme c’est le cas chez Microsoft® ou Apple®, quels critères objectifs de performances en terme de service rendu seraient retenus ? Le plus rénunérateur, certainement. La logique financière du modèle capitaliste d’aujourd’hui l’exige.

Une simple expérience de consommateur en hypermarché montre assez bien quels peuvent être les effets d’une telle logique : un consommateur ne repartira que rarement avec ce qu’il avait décidé d’acheter en quittant son domicile mais plus souvent (par manque de temps et/ou d’éléments de comparaison) avec ce que l’hypermarché aura « mis en valeur » (notamment en en abaissant la valeur…).

La liberté effective d’un logiciel (donc celle de son utilisateur) ne repose peut-être pas tant sur la possibilité technique de lire et de modifier celui-ci (modifier le logiciel, pas l’utilisateur…) que sur la capacité de l’utilisateur d’un logiciel libre à informer puis à former d’autres utilisateurs sur le potentiel de ceux-ci (le potentiel des logiciels, pas des utilisateurs…).

À cet effet, blogs, sites, forums, magazines, install-parties ou simples discussions à la terrasse ensoleillée d’un petit bar où la bière ne manque pas, sont, chacun à leur manière, la meilleure des promotions. Car on y parlera d’expériences, de résultats, de relations humaines en tant que critère de performances. On n’y parlera pas d’argent.

Attention, toutefois, à ne pas confondre logiciels libres et logiciels gratuits. Même si les logiciels libres sont souvent gratuits, ce n’est en rien une obligation. La confusion provient d’une mauvaise traduction du mot anglais « free » qui peut, selon le contexte, signifier aussi bien « libre  que « gratuit …

D’où le mot d’ordre de la Free Software Fundation : Free as freedom !

liens vers l'article suivant ou l'article précédent
texte précédenttexte suivant

retour haut de page