Vie privée ou privé de vie ?

L’affaire « DSK », bien qu’en cours d’instruction, a relancé en France le débat sur le secret de la vie privée des hommes et femmes politiques et accessoirement de toutes les personnes proches du cercle restreint des « décideurs ».

D’un côté, les tenants résolus d’une américanisation croissante de notre société et donc de notre droit, veulent abolir le silence complice des journalistes sur les affaires de cœur et de cul des dirigeants. De l’autre, de farouches nostalgiques de la discrétion bourgeoise semblent craindre de perdre ce qui fait le sel du pouvoir : le sexe à volonté.

Le point d’achoppement, en ce qui concerne les personnalités politiques, est le moment où la vie privée influencerait la vie publique. Un tel moment est par nature bien difficile à définir. D’autant qu’en France et tout particulièrement ces dernières années, les liaisons officielles ou officieuses entre journalistes et personnel politique ont explosé ! Et ces journalistes (très souvent des femmes) dont la mission consiste justement à rendre compte aussi impartialement que possible des faits et gestes des politiciens (majoritairement des hommes) ont après tout parfaitement le droit de vivre une belle histoire d’amour.

On peut par contre, nous public, s’interroger sur l’impartialité des débats, interviews et autres comptes rendus diffusés par des journalistes qui non seulement couchent avec leur « sujet » mais qui sont de plus employées par des entrepreneurs très souvent amis ou collègues dudit « sujet »…

Pour autant, je suis partisan de laisser la vie privée à sa place. Dire que la vie privée peut influencer la vie publique me semble une lapalissade et rien ne prouve qu’un ministre fidèle serait plus compétent qu’un ministre volage… si compétence il y a, bien sûr. Il est hors de question d’imposer un cadre juridique aux relations consenties entre adultes consentants au prétexte d’un possible conflit d’intérêt. On imagine les dérives possibles en entreprises si au cours d’un entretien d’embauche, un postulant chez Renault déclare que sa conjointe travaille chez Peugeot, ou qu’une DRH de France Telecom a comme époux un administrateur des Pompes Funèbres Générales ! S’il doit y avoir une décision morale à prendre, elle doit être la seule décision des personnes concernées. Il est toujours temps de saisir la justice après coup (!) s’il s’avère que le conflit d’intérêt a fait des petits sur un compte off-shore…

Le droit ne doit pas déterminer par avance si deux professions, en vertu de leurs compétences transversales, sont interdites de rapports horizontaux !

Une autre évidence est de considérer que tout ce qui ressort de l’agression, de la contrainte physique, du harcèlement moral voire de la simple pression, genre : une petite pipe contre un gros tuyau, ne relève pas du domaine de la vie privée mais bien du code pénal ! Et, pour tout ce qui relève du pénal, donc tout ce qui n’est pas explicitement consenti, geste comme parole, le dépôt de plainte devrait pouvoir être facilité et traité rapidement pour éviter que des dossiers ne s’endorment et ne croupissent sous les étouffoirs d’hermine de magistrats qui ne sont pas eux-mêmes à l’abri de possibles conflits d’intérêt vis-à-vis du pouvoir politique qui les a nommés… Par contre, entretenir moult maîtresses et force amants relève à mon sens, de la plus stricte intimité et n’a pas à être étalé en une des magazines.

J’irais même plus loin. Je considère qu’aucun magazine ou journal ne devrait se rabaisser à publier les histoires familiales ou adultères des élus pas plus que les joyeuses partouzes du show-business quand bien même le public serait demandeur, quand bien même les personnes adultères ou partouzardes seraient ravies de cette notoriété ! Le risque encouru par cet étalage de foutre (outre la facilité de remplissage) est bien évidemment l’instrumentalisation de la vie privée. Imaginez (c’est un exemple…) que l’épouse d’un dirigeant en poste accouche en direct au journal de 20h00 et ce, quelques semaines avant une élection majeure ? Les mêmes qui plaident aujourd’hui pour la transparence de la vie privée au nom de la non-interférence sur la vie publique seraient bien en peine de justifier une telle imposture.

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