Nota bene et post scriptum sont dans un bateau

Il existe plusieurs façons de faire remarquer l’importance d’un point de discours à un interlocuteur. De manière orale, il faut jouer sur l’intonation (élever la voix ou la réduire) ou l’accompagner d’un geste explicite (main sur l’épaule, index autoritaire, froncement de sourcil).

À l’écrit, il y a le post scriptum (ou ps, pour les intimes) et le nota bene (ou nb, pour les feignasses).

Le post scriptum est un ajout, il vient en complément du texte le précédant.

Par exemple :

Je ne suis pas disponible pour la période considérée.
P.S. : je ne suis d’ailleurs disponible à aucun moment, foutez-moi la paix.

Dans cet exemple, il y a deux informations complémentaires. D’une part, on décline le plus poliment possible une invitation à une quelconque festivité, d’autre part, on fait tout aussi clairement savoir qu’il n’est pas nécessaire d’envoyer de futurs faire-part.

Le nota bene est plus subtil. Il n’ajoute pas d’information complémentaire mais il met l’accent sur une information déjà présente, lui donnant alors une aura de postulat.

Par exemple :

Les animaux ne sont pas admis en nos locaux.
N.B. : Le terme « animaux » ne s’applique évidemment pas aux chats qui — quel hasard ! — sont en train d’écrire ce message.

Ainsi, le post scriptum peut-être vu sans ambiguïté comme un rattrapage. À l’origine de l’écriture, on imagine assez bien qu’il n’était pas question de réécrire un parchemin pour réparer un oubli. Un petit paragraphe final au dernier moment faisait alors parfaitement l’affaire.

Par contre, le nota bene possède plusieurs niveaux de lecture, de la plus bienveillante à la plus manipulatrice. Il est de plus tout à fait possible d’imbriquer ces différents niveaux de lecture.

Il peut s’agir d’un rappel évident :

Nous rappelons à notre aimable clientèle que nos bureaux ferment à 18h30.
N.B. : 18h30, c’est pour les client⋅es, pour les employé⋅es, c’est 19h00.

Il peut s’agir d’une menace voilée :

Nous rappelons à notre aimable clientèle que nos bureaux ferment à 18h30.
N.B. : Les chiens sont lâchés à 18h31.

Il peut aussi s’agir d’un ordre voilé déguisé en rappel menaçant :

Nous rappelons à nos salarié⋅es que les bureaux ferment à 19h30.
N.B. : Le café sera servi à partir de 19h00.

Mais quelle que soit son intention, le nota bene agit toujours comme une marque d’autorité. Peu importe le ton initial du discours, d’un coup, un ordre apparaît.

Il peut même arriver qu’un nota bene ne soit là que pour contredire le discours original.

Nous rappelons à notre aimable salariat que nos bureaux ferment à 19h30.
N.B. : Pour des raisons de sécurité, aucun départ ne sera autorisé avant 20h00.

Dans tous les cas, il faut retenir que le post scriptum signale un oubli sans lequel le texte original reste parfaitement lisible et cohérent. Il peut, à ce titre, être considéré comme tatillon et superfétatoire. Le fait que ses initiales sont les mêmes que celles du parti socialiste n’est sans doute pas un hasard. Le nota bene bénéficie, lui, d’un rôle déterminant pour la compréhension globale d’un message. Ses différentes textures malgré son apparente rusticité lui donnent le droit de partager ses initiales avec le Noir & Blanc de la photographie, accréditant ainsi un peu plus son goût pour la transformation et l’ambivalence.


P. S. : Ce texte a été écrit en rentrant d’une soirée pimentée par un nota bene aux intentions peu évidentes.

N.B. : Ce post scriptum fait semblant d’oublier le caractère ambivalent du nota bene en question.

P. P. S. : Toujours là pour me contredire, sale type !

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