Féminisme : poil au sexisme !

Je suis en train de réorganiser mes courriels (donc de remplir la corbeille) et je retombe sur celui-ci :

« Bien le bonjour,
J’ai 15 ans, je ne comprends sans doute rien à la vie, mais ça fait quelques semaines que ça tourne dans ma tête et je me permets d’invoquer une explication : sur un article de www.sexactu.com (je ne sais plus lequel, mais ça n’est pas l’important), je demandai si le but du féminisme était l’égalité, ce à quoi vous m’avez répondu (froidement, disons-le) que non. Ça m’a, pour le moins… troublé, dans le sens où, d’un coup, je ne comprends plus ni où vont les féministes, ni quelles sont leurs vraies revendications, ni pourquoi c’est le mal (ou le bien). Pourriez-vous m’éclairer sur la route du savoir (ou pas) ?

D’abord surpris, puis ravi, de cette démarche, j’entrepris de lui expliquer ce qui suit par retour de mail. J’ai par la suite reçu une réponse satisfaite de cet Andrea et non de cette Andrea comme je l’ai d’abord cru… Oups !

***

Salut Andrea,

Commençons par une banalité (on en sera débarrassé) : à 15 ans, il est, sinon normal du moins salutaire, que ça tourne dans ta tête. Et ce n’est qu’un début !

Conçernant l’objet (ou les objets) du féminisme, on va ici considérer deux choses :

  1. En tant que garçon, se dire féministe (ce que je revendique) est encore moins facile que pour une fille. Une fille, au pire, se fera traiter de « mal baisée », au mieux sera gentiment moquée. Un mec féministe doit s’expliquer non seulement devant les mecs (je t’épargne les remarques que ça engendre…) mais (voire surtout !) devant des filles suspicieuses (en attendant mieux). Mon sens de l’humour un peu bizarre n’arrangeant rien ! Ce que je vais te décrire ici concernant le féminisme sera une vue certes réfléchie mais néanmoins relative. Je n’ai pas de vécu féminin (pour cause !) et mon féminisme pourra sembler un simple objet philosophique, ce qui n’est déjà pas si mal, après tout.
  2. Je vais forcément réduire certaines notions, voire en pré-supposer d’autres. Un mail (aussi intéressant soit-il) n’est pas fait pour dérouler un débat structuré. Au cas où notre conversation se poursuivrait, je signale de suite que j’envisage de mettre en ligne (dans un certain temps…) un site consacré à ces quelques questions plus d’autres… au cas où, tu y seras la bienvenue !

En gros :

Je considère que l’espèce humaine, à la base, est une et indivisible (pas de race, pas de genre) et que c’est justement ce qui fait sa particularité parmi toutes les autres formes du vivant chez qui une même espèce se différencie strictement en sous-espèces et les sous-espèces en genres (mâles-femelles). Pas question, bien sûr, de réfuter la différence morphologique (que seraient nos mains sans vos seins ?) ni physiologique !

Par contre, ces différences relèvent du hasard génétique. Dans mon monde, il n’y a pas de destin, de dieu, de choses comme ça. Toute innovation est un hasard, tout hasard qui perdure est une évolution. Ces différences morphologiques et physiologiques doivent donc être considérées comme des acquis à côté desquels et non à partir desquels doit se construire notre personnalité qui sera fonction essentiellement de notre environnement culturel même si (il faut insister sur ce point) la physiologie (la qualité du support matière) a son influence : un système nerveux mal connecté sera moins performant en analyse complexe sans forcément empêcher tout travail physique et ce, que l’on soit mâle ou femelle !

Nos sociétés, principalement les sociétés occidentales monothéistes — l’islam est un monothéisme occidental puisqu’il dérive des deux premiers et les accompagne ensuite — ont préféré séparé les tâches par genre physiologique plutôt que par capacité intrinsèque. Les motivations débordent du cadre de cette réponse. Nous sommes passés d’un stade de collaboration (condition nécessaire pour la survie en milieu hostile quand on est un animal aussi peu préparé qu’homo-sapiens) à un statut hiérarchique engendré par la libération de certaines tâches, libération rendues possibles par la mise en œuvre de l’élevage, de l’agriculture et de l’industrialisation, toutes technologies qui réclament une organisation sociétale plus unilatéralement dirigiste.

Le féminisme n’est ni bien ni mal : il est une réaction à l’oppression d’une partie de la population sur une autre. Bien sûr, le fait que la partie oppressée est physiquement distinguable de la partie oppressante rend le discours simpliste des religions plus « vraisemblable » (le bien et le mal sont des notions exclusivement religieuses) : il y les bons contre les méchants, les croyants contre les infidèles, les blancs contre les noirs, les chiens contre les chats, les hommes contre les femmes.

Être féministe aujourd’hui (en tout cas en ce qui me concerne) c’est ne pas différencier mon interlocuteur en fonction de son sexe (en dehors de demandes sexuelles particulières, bien que là aussi, la pluralité des combinaisons est plus une richesse qu’une perversion) mais en fonction de ce que m’offre cet interlocuteur. Je me fous de savoir si la personne qui conduit le métro ou qui présente la météo fait pipi debout ou pas !

Il est vrai que la langue française (pourtant si apte à la poésie !) n’aide en rien à ne pas tomber dans de grossiers travers de langage… Mais c’est aussi une des formes du combat féministe que de faire vivre cette langue et de lui adjoindre de nouveaux concepts.

Il faut quand même revenir sur cette notion (dévoyée) d’égalité : il s’agit d’égalité de traitement (considération, emploi, salaire, élection, parentalité, etc…) non d’une parité stricte qui n’a pas de sens. Elle est même tout à fait contre-productive et c’est peut-être pour ça qu’elle est le concept clé des tenants de la « discrimination positive »…

La notion d’égalité on la trouve à l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen :

Article premier ― Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

C’est pourtant pas sorcier (hommes est à prendre au sens large, humains) !

À noter qu’Olympe de Goujes en rédigea une version féministe en son temps, considérant que les révolutionnaires étaient d’affreux machos ! Comme elle avait raison, elle fut guillotinée…

— Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
— Olympe de Gouges.

Bon, je crois que c’est suffisamment confus comme ça (désolé pour les nombreuses parenthèses mais j’adore les parenthèses qui sont les hanches des phrases : souvent l’essentiel y réside…) ! Je vais quand même te remercier de m’avoir permis de mettre ça par écrit. Si tu as besoin de précisions, n’hésite pas. Et n’hésite pas non plus à me tutoyer : le web n’a ni âge ni genre !

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