L’attachement (0)

Inutile de nier ou de jouer les rebelles au cœur d’acier, ivres de vent et fous d’horizon, nous sommes tous attachés. Par le sang, par le sol, par le sexe, nous avons tous, à des degrés divers, une origine, un point de « bon retour », comme une cohérence. Le sujet étant particulièrement difficile, j’ai choisi de le diviser et de le traiter selon trois angles (qui pourront aussi, parfois, n’en faire qu’un) :

  1. les lieux ;
  2. les personnes ;
  3. les idées.

Dans ce numéro 0, je vais surtout tenter de définir certaines notions et poser quelques pré-requis personnels de manière à ne pas avoir à me répéter dans les chapitres suivants. Chapitres qui ne seront publiés que lorsqu’ils seront prêts.

La première difficulté d’un article sur l’attachement provient de ce que chacun met derrière ce mot. Éloignons-nous immédiatement des définitions littérales et mécaniques à base de sangles et de menottes, je ne parle pas de cet attachement-là, bien qu’il en requiert.

Alors même que la notion d’attachement ne fait pas débat, sa définition est très variable. Dans le degré d’attachement (un peu, beaucoup, pas du tout, etc…) comme dans les causes de cet attachement. Sommes-nous libres de nos attachements (avons-nous vraiment le choix ?) ou y sommes-nous contraints ? Contraintes qui pourraient être, entre autres, l’habitude (pour les lieux), le respect d’une tradition (pour les personnes), la volonté d’appartenance à un groupe (pour les idées).

Par commodité, et parce que c’est de loin le plus intéressant, il ne sera ici question que de l’attachement ultime. Celui par lequel on sait que l’infini existe et qu’il peut être vide… Tu seras tenté de penser que l’on va parler d’amour, mais non. Et bien que de l’un à l’autre il existe moins qu’une frontière floue et perméable… Mais, au contraire de l’amour, l’attachement peut se décrire, se comprendre, s’expliquer, se partager, éventuellement. Surtout, l’attachement participe du bien-être global, il en est l’une des clés. À condition, bien entendu, de profiter de l’objet et/ou du sujet de son attachement.

Si tu prends le temps de te demander : Suis-je heureux ?, c’est que tu ne l’es pas. Le bonheur est une évidence et l’attachement — bien plus que l’amour — est une des raisons de cette évidence. L’attachement, comme le bonheur qu’il procure, appartient encore à l’animal qui n’est pas tout à fait mort en nous. L’amour, lui, est un sauvage sans foi ni loi, un rebelle absolu qui ne sait rien mais qui peut tout. Comme valider l’infini de sa lumière ou le détruire par son absence.

L’attachement peut aussi créer des troubles : déracinement (lieux), mélancolie (personnes), nostalgie (idées). Le manque de repères, plus que l’absence ou l’éloignement, provoque un malaise. Non identifiable au début, le mal-être et l’angoisse te ronge peu à peu et te laisse en loques, comme la rouille et le lichen qui se disputerait une carcasse de cargo pour n’en laisser qu’une structure ajourée et fragile…

Tu remarqueras que je ne parle pas de l’attachement aux objets. De nombreuses personnes sont atteintes par cette étrange perversion. J’ai la chance d’être épargné. Les objets, pour moi, n’ont d’existence qu’au moment de leur utilisation et sont très identiquement remplaçables. Je ne leur dénie pas le fait d’avoir parfois une certaine valeur sentimentale mais ce n’est pas suffisant pour que je m’y attache. Et m’en détacher ne m’enlèvera pas le souvenir de ce qu’ils ont représenté. Je peux donc aisément voyager léger.

Pour le reste, la présentation de ce sujet en triptyque (lieux, personnes, idées) ne correspond pas à un ordre préférentiel. Encore que… L’attachement aux lieux me semblent assez simple à investiguer (enfin, j’espère, puisque je vais te parler de Paris !). L’attachement aux personnes est déjà beaucoup plus complexe ne serait-ce que parce que les personnes sont en général plus mouvantes et moins durables que les lieux… Quand à l’attachement aux idées… je n’en ai pas encore la moindre idée ! Mais je pense qu’il y a là de quoi creuser…

À noter, pour être presque complet, que si je n’éprouve aucun attachement pour les objets, j’en éprouve pour les animaux et les arbres. Je traiterais des arbres avec les lieux et des animaux avec les personnes. Qui se ressemble, s’assemble !

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