Fouillis

Un peu de fouillis et d’emporte-pièces dans cet article, histoire de s’aérer le neurone, mis à mal par mes absconses réflexions sur l’écriture qui n’étaient — tu l’auras deviné — que les fragments désordonnés d’un puzzle proto-Escherien en cours de ré-assemblage. L’idéal étant qu’une fois reconstitué, ce puzzle ait l’aspect d’un Mondrian festif, un paysage de vives prairies aux couleurs éclatantes, lumineux mais reposant. Je n’en suis pas encore là. J’ai à peine fini de mettre un peu de gris clair sous les ombres des bouquets fânés qui servent aux sorcières à balayer les poussières que le temps, inlassablement, dépose sur nos mémoires.

Fouillis #1 : une librairie en ligne

Moins de publication ce mois-ci, ainsi très certainement, que les mois prochains. Because :

  • reprise des travaux pour mettre en ligne une librairie par laquelle vendre certains de mes textes ;
  • reprise simultanée desdits textes histoire d’égayer les rayonnages virtuels de ladite librairie ;
  • difficulté récurrente à trouver une prise électrique et du wi-fi de compétition ;
  • instabilité dans mon emploi du temps pourtant inemployé ;
  • arrivée imminente des beaux jours et des promenades nocturnes le long des quais de Seine et des petites rues parisiennes.

Tu veux des détails ? Tu abuses. OK… les voici. Quelques-uns. Pas tous. Certains se concrétiseront (j’espère), d’autres changeront certainement d’orientation ou se volatiliseront comme les chimères qu’ils sont peut-être…

Le principe de cette librairie est à la fois simple et tortueux. Côté simplicité, elle ressemblera à n’importe quelle boutique en ligne vendant des produits numériques : une page catalogue pour choisir un ou plusieurs textes, un panier pour emmagasiner tes emplettes, une page commande pour récapituler et valider ledit panier, une solution de paiement pour te vider la carte bleue… Que du classique.

Sauf que.

Sauf que je ne suis pas développeur et que je dois me baser sur des solutions existantes qui bien évidemment n’épousent qu’en faible partie mes besoins. Je vais donc encore être astreint à bricoler dans les fichiers des applications pour en évacuer tout l’inutile en faisant gaffe de n’en pas compromettre l’indispensable. Travail d’équilibriste saoûl sur une corde élimée… Ou comment rendre compliqué des choses à priori simplettes. Les Shadoks m’auraient adopté ou fait citoyen d’honneur ! D’autant que pour complexifier un peu plus ce travail, je tiens à ce que cette librairie soit un espace littéraire assurant toute liberté de publication tout en étant dotée d’une capacité d’évolution collective à triple hélice équizoïdale. En clair, j’espère pouvoir attirer d’autres auteur(e)s selon un principe encore imprécis de cooptation, histoire — on ne sait jamais — de ne pas crouler sous des tonnes de manuscrits illisibles. Les miens suffiront amplement à encombrer cette désolante catégorie.

Fouillis #2 : les textes en cours

En dehors des nouveautés que tu liras peut-être un jour s’il te prend l’envie de passer par cette librairie, j’ai repris les textes qui devaient composer le premier recueil destiné à y être publié et qui me fut honteusement dérobé une nuit de décembre. Je t’en reparlerais souvent, car si j’ai intégré ce vol comme une péripétie normale dans la vie d’un sans-abri, je n’arrive toujours pas à faire le deuil des textes et des photos. C’est un peu comme si on m’avait, pour la deuxième fois, volé ma mémoire… Et je ressens la menace d’une nouvelle effraction. Il en fauda plus pour m’arrêter mais c’est assez pénible à traîner cette constante incertitude dans la conservation de ce travail. Ce n’est certes pas très productif pour la société mais la société a-t-elle vraiment besoin de productivité ? Aciéries, chantiers navals, filatures, automobiles, imprimeries, tout a disparu. Le monde ouvrier est un monde d’autrefois dont il ne subsiste plus qu’une nostalgie décorative et un ou deux bistrots aux tables de formica sur lesquelles des très vieux en bleu impeccable alignent des dix de der comme autant d’appels empressés à la Camarde qui ne tardera plus.

Certains de ces textes étaient des réécritures parfois poussées de quelques-uns des articles de ce blog. Pour ceux-ci, il y a au moins une base solide à partir de laquelle (re)travailler. Pour les autres… Je rassemble peu à peu les idées directrices, je tente de remonter dans l’ordre les restes de phrases dont ne subsistent que des lambeaux rougis comme les membres déchiquetés d’un suicidé du métro. Et puis il y a toutes les nouvelles idées qui réclament leur part de disque dur et qu’il faut bien accueillir.

Par contre, cette fois, je ne me donne aucun délai, aucune deadline. Ne pas aller contre sa nature. Tu liras ces textes quand je les aurais finalisés et non pas terminés puisqu’un texte n’est jamais terminé. Et en imaginant que la librairie soit prête à te les exposer. Entre temps, il est possible que je lance un appel à un groupe de testeuses et testeurs autant pour m’assurer de la lisibilité des textes (lisibilité technique selon les écrans et non lisibilité littéraire) que de l’ergonomie générale de la librairie mais je te préciserais tout ça « en temps utile », selon l’expression consacrée qui pourtant ne veut rien dire, le concept de temps étant plus fluide que l’eau d’un étang. Quant à l’utilité de tout ce cirque…

Fouillis #3 : café noir, vin blanc et chiffre arabe

C’était le titre original de cet article. Et puis à quoi bon ? Les cons ne cesseront pas d’être cons parce que tu les traiteras de cons. Au contraire. Ça m’évitera d’avoir à renouveler mon stock de gros mots. Malgré toute la bonne volonté dont je me pare pour éviter qu’ils me polluent l’esprit, ils sont là, dans l’eau sale des caniveaux, dans l’air sale des canivilles, dans les esprits sales des salauds qui continuent de faire de leur nombril le centre d’un univers dans lequel aucune étoile n’est admise à scintiller si elle n’est pas préalablement inscrite sur la ligne d’un quelconque plan comptable, ce rantanplan de l’écriture… Alors c’est la guerre, la corruption, la famine, la pollution, la déviance de la science, les dérisions des religions, le formatage de l’information et la tristesse d’une culture menacée d’éradication si elle ne se plie pas aux écrans des marchands.

Qu’elle soit amicale ou amoureuse, familiale ou professionnelle, de voisinage ou belliqueuse, toute relation aura bientôt sa grille tarifaire. All inclusive. Avec ses promotions honteuses ; avec ses dessous-de-table ; avec ses avocats d’affaires ; avec ses chefs d’entreprise qui ne voient en l’humain que la main du marché ; avec ses marchands d’espaces publicitaires qui s’accaparent tout l’espace, sur Terre et bientôt dans l’espace ; avec ses politici… ooops ! J’ai failli dire un gros mot !

Je vais prendre l’air, ça va me calmer. Pas longtemps, malheureusement. Ce sera toujours cinq minutes — peut-être six — de paix relative à regarder couler la Seine qui ferait une jolie sépulture pour tous ces connards.

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