Je suis un type chanceux.
Non pas que ma situation de SDF serait enviable ou simplement agréable. Non pas que je n’aurai jamais vraiment souffert physiquement même si j’ai parfois eu mal aux dents lorsque j’avais encore des dents. Il ne me manque ni organe, ni membre, ni fonction essentielle — hormis, donc, quelques dents, certainement un gros bout de cervelle et le gros caillot qui m’encombrait l’espace entre mes deux poumons. Non pas que la souffrance morale me serait une seconde nature, une soupe primitive dans laquelle se forgeraient, se heurteraient, se disloqueraient et se reconstitueraient les mots qui relient directement mes phrases aux invertébrés procaryotes.
Cette souffrance morale m’accompagne si fidèlement qu’elle ne m’est pas cette constante de « planque », cet alibi qui permet de valider, de justifier, d’expliquer, d’excuser ou de revendiquer de quelconques dérives civiles ou intellectuelles, n’ayant, pour ma part, comme fil conducteur vers la civilité, que l’incessante éradication des innombrables compromissions en un jardin secrètement zen dans lequel se crée le pour et le contre des postures allongées, tantôt côté droit, tantôt côté gauche, de façon à en tirer toute sorte de conclusions hâtives comme refermer les yeux et dormir car si la nuit ne porte pas toujours conseil, au moins n’est-elle pas que cette sombre obscurité propice à enfanter des monstres humains à faire pâlir la Compagnie des Ogres. La nuit est source de lumière, elle est la naissance du jour, elle est le début de tout.
Bref, je suis un type chanceux car je passe mes nuits à marcher dans Paris.
J’en profite parfois pour tenter de faire quelques photographies de ce Paris que Brassaï embrassait et qui a bien changé. Les réverbères ne roulent plus au gaz et leur lumière s’est faite plus blanche, plus aveuglante. La plupart des avenues ont troqué leur vieille armée de pavés disjoints pour un tapis de goudron mainte fois rapiécé. Les enseignes restent allumées comme pour rappeler à l’ordre le consommateur distrait en ne lui laissant aucun répit, aucun espace de réflexion hors les miroirs des vitrines qui brûlent en une nuit de quoi éclairer un village pour un an. Il n’y a quasiment plus de ces petites rues tranquilles, alanguies dans la nuit comme dans une petite mort, chacune ayant désormais son lot de noctambules, de fêtards, de touristes ou de clochards.
Ètrangement, cette ville reste belle.
Elle meurt en silence. Elle est passée par tant de douleurs et tant de trahisons. Elle a connu la faim, elle a subi la guerre. Et qu’importe si son sang boueux coule sous des ponts endormis que ne réveillent même plus les hordes de touristes qui ne voient de la Ville des Lumières que son côté obscur et passéiste, celui d’un « Museum Circus Business » détroussant à la chaîne des cohortes automatisées et ravies de se laisser transporter, dociles, dans la pénombre du nombre, traversant la Cité de l’Amour comme elles iraient au bordel.
J’en profite également pour faire fonctionner mes neurones en mode Fukushima Express et c’est là que je regrette — je t’en ai déjà parlé — qu’il n’existe aucune machine à retranscrire directement ces textes abrupts — syntaxe brumeuse, conjugaison brutale et vocabulaire brûlant — qu’il suffirait alors de corriger grossièrement pour les rendre aptes à être lus. Ou, plus précisément, aptes à être publiés.
Car je ne sais pas qui me lit vraiment. Je ne flique pas les (rares et précieux) visiteurs de ce blog et ne possède donc aucune statistique sur les sourires que j(‘espèr)e provoque(r). Même si j’aurais bien aimé un peu plus d’interactivité (donc plus de commentaires, d’échanges, de débats), je dois bien reconnaître que ma prose, incohérente autant qu’irrégulière, ne s’y prête guère. Tant pis pour moi qui avais ouvert ce blog en espérant lutter contre la solitude mais sans vouloir jouer le jeu de la multitude et de ses faux-amis.
J’ai souvent l’impression d’écrire dans le vide, de lancer des phrases à contre-vent, d’être une espèce de mime (un mimard sot ? un mime arceau ? un mime ? ach so !), un mime aveugle et sourd, qui ne saura jamais si son geste est perçu et comment, l’impression que ma geste leste est une veste qui empeste la malebeste et conteste ceux qui la déteste en restant loin à l’est, loin de Brest et de ses palimpsestes festifs, à l’instar de ces manuscrits antiques devenus indéchiffrables pour avoir passer trop de temps dans les douves et les marécages de castelets en ruines.
Or donc, les nuits dernières, j’ai pu :
- modéliser une chanson complète — texte, mélodie, rythme, son, instrumentations diverses — mais non, tu n’auras pas droit au moindre couplet car les enfants ne sont pas encore couchés ;
- commencer à réfléchir sérieusement à un concept de septième république (je t’exposerai ça dans pas trop longtemps) ;
- réorganiser, de abacus jusqu’à zyrconium, les nombreuses parties de ce livre que je réécris depuis tellement longtemps et qui avance doucement, tout doucement ;
- commencer soixante-douze virgule trente-trois articles de blog dont je sais pertinemment qu’ils ne seront jamais achevés, tout comme les six-cent-quatre-vingt-dix-huit brouillons qui piaffent leur incomplétude à ma surdité avide de pages blanches ;
- repenser à l’existence de l’univers, le pourquoi, le comment, et c’est de ça dont je voulais te parler à la base mais je me suis encore laissé emporter, on en causera plus loin.
J’aurais pu le faire tout de suite, bien sûr, mais lorsque mes doigts sentent le clavier de l’ordinateur, comme un cheval peut sentir l’écurie, ils ne m’obéissent plus. Dadais hagards, farfadets impulsifs, ils tressautent de touches en touches pour tenter de se débarrasser du plus gros de mes pensées nocturnes qui encombrent leurs phalanges et gonflent leurs empreintes, les faisant bourdonner d’impatience comme des abeilles chargées de pollen devant l’encombrement de la ruche. Ils éprouvent alors l’urgence de la purge comme les doigts souillés des collégiens solitaires dans les pensionnats mélancoliques des littératures labellisées 30, 40, 50 (sans numéro complémentaire) dans lesquelles certains auteurs n’exsudèrent leur libido que comme une lente et infinie douleur.
Cette fameuse machine n’existant pas, j’en suis réduit à marcher les mains dans les poches, la tête oscillant lentement du ciel pavé d’étoiles au sol où le pavé s’étiole pour que s’égaye au mieux le flux constant des idées aléatoires truffées de mots inventés et de concepts inachevables qui, si elles pouvaient se matérialiser, évoqueraient instantanément la radiographie polychrome d’une foutue fête foraine dans la forêt des fées plutôt que l’encéphalogramme plat — forcément plat — d’un politicien français ; le politicien français étant à la politique ce que le cuisinier anglais est à la cuisine, ce que la musique bavaroise est à la musique, ce que le rêve américain est au songe d’une nuit d’été, ce que Le Cynozophrène Mural est à la concision !
Parfois j’ai envie de publier ce que j’écris tel que ça me sort. Une bouillie de longues phrases encore chaudes et gluantes des méninges qui les conçurent. Un magma épileptique plein de fautes, de mots collés et racoleurs, de non-sens apparents, de locutions impropres, de calembours improbables ! Un vagabondage stylé, éthylé, écartelé entre plusieurs (d)ébauches, mélangeant les brouillons comme un peintre fou mélangerait ses crayons ! Un chaos saccadé interrompant subitement un fil pour en suivre un nouveau, le lâcher, reprendre le précédent, et couper ce fil en quatre parties inégales comme un chaton qui dépècerait un papillon multicolore d’une griffe joueuse mais surprise par autant de pouvoir. Me contredire, me perdre, continuer quand même, trouver une nouvelle ficelle à tirer de cette pelote basse que tricotent machinalement les aiguilles fatiguées de l’horloge et laisser ma pensée dévaler en roue libre la pente savonneuse qui oscille entre réflexion et délire, de l’or, de l’art, de l’heure ! Garder le tout sans le relire et te le jeter d’un bloc sur le site, comme on se débarrasse d’un insecte piqueur, d’un grand geste fou et inutile.
Un jour je t’offrirai ça. Peut-être que ça incitera quelqu’un à inventer cette fameuse machine !
Et puisque qu’il n’est pas question de concision, laisse-moi te faire part d’un petit aparté, histoire d’aérer mon pauvre cerveau reptilien qui se remémore parfois l’extinction soudaine de ses cousins dinosauriens et se demande toujours pourquoi lui en a réchappé.
Ce soir, sur la ligne 6 du métro parisien, la plus aérienne de tout le réseau, théâtre idéal pour une histoire étrange dont l’écriture laborieuse a été mise au repos et devrait reprendre aux beaux jours, j’ai filé une pièce à un musicien qui jouait dans la rame. C’est au moins la quatrième fois que ça m’arrive.
La première fois, j’ai donné mon obole à un guitariste sénégalais qui se définissait comme un disciple d’Ali Farka Touré et qui avait effectivement redécoré les mièvres carreaux blancs des couloirs métropolitains en un oasis fauve et indigo où l’on sentait battre le cœur des hommes au rythme dansant du chœur des femmes quand la température du désert ne peut plus rivaliser avec la chaleur humaine et laisse cette dernière faire la cour aux démons de la nuit.
La deuxième fois, c’était un guitariste américain, expert de la slide sur guitare en aluminium, dont le son métallique et grinçant accompagnait jusqu’à les sublimer les crissements effarés des roues du métro découpant les feuilles mortes qui recouvraient les rails et les faisaient s’envoler en d’éclatants tourbillons imitant les chorus endiablés d’un chain gang ivre de coups et de cailloux.
La troisième pièce fut attribuée à un xylophoniste malien qui sortait de ses morceaux de bois des histoires de griots, de savanes et de mal du pays, assis sur le sol, les mains, indépendantes et chantantes, caressant et tapotant ses rondins tandis que son regard inquiet scrutait l’arrivée de la police. Les musiciens devraient être exclus des obligations administratives, eux dont les clés ouvrent tant de portes qu’il nous est ensuite impossible de refermer.
Ce soir, c’est — ô surprise — à un accordéoniste qu’est allé mon euro.
Surprise, car je ne suis pas un fervent auditeur de cet instrument. Autant pour la guitare et l’harmonica je supporte l’approximation (je me suis d’ailleurs supporté quelques semaines, si tu te souviens), autant l’accordéon me hérisse les écailles lorsqu’il n’est pas maîtrisé. Non seulement ce type jouait avec un entrain et une virtuosité rare chez les porteurs de « piano à bretelles » du métro mais il poussait l’amabilité à jouer unplugged alors que la nouvelle lubie des bruiteurs de vent aigre est de cacher leurs limitations derrière l’accompagnement assourdissant que crache un amplificateur au rabais muni d’une pauvre enceinte qui jamais n’accouchera du moindre Mozart.
Je suis plutôt du genre tolérant mais trop c’est trop : la musique (mal) amplifiée dans les rames inacoustiques déjà pleines de paroles, de sonneries de portables et de raillures(*) plus ou moins métronomiques, c’est juste une torture qui renomme chaque station en Guantanamo des oreilles !
(*) raillure [néologisme soudain] : bruit particulier produit par les roues d’un train qui rebondissent en crissant sur la jonction des rails.
Saint-Sulpice devient le haut lieu des Cinq Supplices tandis que Bercy hurle « Have A Mercy » ! Pour Opéra (je déteste l’opéra), changer à La Muette ! Si un « rampant » me lit, qu’il fasse part de mes récriminations à ses directeurs qui ne doivent se déplacer qu’en voiture de fonction…
Cet accordéoniste-là savait rendre son instrument expressif en maniant avec une dextérité guillerette les mélodies swingantes à main droite, les basses chaloupées à main gauche, avec, entre les deux, la précision et la puissance d’un équinoxe de printemps dans l’exacte amplitude donnée à l’extension-contraction du soufflet qu’il semblait maîtriser au millibar près : un harmattan déguisé en tramontane imitant le zéphyr ! Sans compter qu’à son jeu impeccable il sut ajouter le choix d’un répertoire transylvanien gavé d’un frais sang jazzy et éviter les ridicules complaintes italiennes aux larmes surjouées ainsi que les reprises momifiées des classiques javas parisiennes qui font la joie des touristes américains dans les bistrots branchés, oubliant, au passage, que ces javas étaient d’abord des chansons de putes et de voyous, des plaintes de forçats du travail, des ritournelles de rien qui chantaient les grandeurs et les doléances du « petit peuple » comme disent les bourgeois quand ils se rêvent en grands.
Le temps est un adoucisseur qui affadit et trahit jusqu’à l’esprit des révoltes et ces javas, trophées réalistes parmi d’autres symboles dans le musée des luttes, ne sont pas seules à avoir été récupérées, dénaturées puis commercialisées à outrance. Pense aux guerilleros sud-américains que l’on fusille une seconde fois quand leurs portraits esthétisés s’affichent sur les t-shirts ou les murs des quinquas déglingués qui n’hésitent pas à associer dans leurs panthéons de honte, Che Guevarra et Steve Jobs, Lennon et Lénine, Édith Piaf et Joe Dassin, Malcolm X et Michael Jackson, écologie et cigarettes filtres, 4×4 de salon et revendications salariales…
Ce vintage bling-ballant a des airs de vingt ans mais cette nostalgie n’est qu’une couche de vernis sur une planche pourrie. Ce n’est même pas du négationnisme, qui est une forme raisonnée bien que déraisonnable de communication politique. Ça ressemble plutôt à une mise à niveau des valeurs historiques mais sur un seul niveau, celui du caniveau qui emporte indifféremment les rêves et les révoltes, mettant tout le monde dans le même sac de marque pour peu qu’un biopic ou une commémoration soit passée par là pour idéaliser ceux qui n’étaient finalement que des hommes (rarement des femmes, tu l’auras remarqué).
Fin de l’aparté et de la récréation, prend ton cahier et note.
L’univers est composé d’univers.
Si on considère qu’un univers est un ensemble de choses cohérentes et interactives, on peut considérer que le grand univers global (celui créé par le big bang et dont on ignore s’il est fini ou pas, c’est-à-dire s’il est lui-même contenu dans un univers qui lui-même, etc.) est la somme de multiples univers composés a minima d’une poignée des mêmes particules plus ou moins élémentaires pour ce qu’en disent les travaux les plus récents. Et surtout pour ce que j’en ai compris, car la difficulté majeure est d’appréhender la notion d’univers — qu’il soit fini ou pas est encore une marche supplémentaire dans la difficulté — et la notion de particules (élémentaires ou autres).
Il faudrait être un abruti vaniteux pour imaginer avoir tout compris à ce monde très particulier des particules dont certaines semblent capables, selon le contexte dans lequel on les observe, de changer d’état et d’être soumises, soit aux lois de la physique classique, soit à celles de la physique ondulatoire… Quoique ma formulation n’est certainement pas très correcte…
À propos d’abruti vaniteux, laisse-moi te conter un dernier petit aparté.
Cet après-midi… Tes habitudes chronologiques pourraient être surprises, choquées, déçues voire tourneboulées par cette étrange narration qui place un « cet après-midi » après le « ce soir » évoqué plus haut. Rassure-toi, tu n’es pas tombée dans une faille temporelle qui inverse le cours du jour, c’est seulement lié au fait que la rédaction d’un texte aussi long s’est étalé sur plusieurs journées et qu’il s’est agrémenté malgré moi de péripéties quotidiennes qui me semblaient avoir un rapport (même lointain) avec le sujet du jour, cet objet à contre-jour, ce rejet de toujours.
Or donc, cet après-midi, je m’installe sur un des bancs disponibles de l’immense pelouse qui sépare les Invalides de la Seine. Il fait beau. Des enfants jouent au ballon en se prenant pour Messi ou Ronaldo, des filles boivent du vin blanc à même la bouteille (qu’on me réincarne illico en bouteille !), des jeunes jouent aux quilles, des vieux jouent à la pétanque, d’autres, comme moi, lisent sur un banc.
Chacun semble apprécier son activité respective, sauf moi qui a du mal à comprendre ce que je lis. Non pas que le brouhaha alentour me dérange. Au contraire, il forme une espèce de cocon de coton qui permet de s’isoler assez confortablement. Si j’ai du mal à comprendre ce que je lis c’est que le sujet est ardu et sa description pointue malgré que l’auteur a pris soin d’écrire pour des non-spécialistes. L’effort constant de clarté se sent et malgré ça, je ne comprends pas tout, et même pas grand-chose. Normal. La physique quantique est encore balbutiante (elle n’a pas encore fêté son premier siècle) et la physique classique est déjà une horreur à comprendre pour moi qui ne possède comme outil mathématique qu’une table d’addition incomplète des nombres à un chiffre.
Ça fait partie de mes nombreux défauts. Je suis incapable d’apprendre quelque chose par ascension progressive : partir du b-a-ba puis remonter progressivement les difficultés comme on parcourt un fleuve de sa source à son estuaire ou bien une montagne de sa base à son sommet. Je fais l’inverse. Je suis du genre saumon qui tente de remonter à contre-courant la rivière du savoir. Et qui fait beaucoup de surplace. Qui recule. Qui fait quelques pas de côté — si tu n’as jamais vu un saumon faire quelques pas, imagine un Gene Kelly déséquilibré s’essayant au moon walk sur une mare d’huile habitée de crocodiles et de croc-en-jambes !
J’ai besoin d’être confronté d’emblée à l’ampleur de la tâche et de tenter d’en démêler les fils en tirant au hasard sur un bout qui dépasse. J’ai besoin d’accumuler des tonnes de choses incompréhensibles pareilles à de fines pièces de puzzle que le temps se charge(rait) de rendre en un tout cohérent. Les livres de vulgarisation sont parmi ces « bouts qui dépassent » bien que j’ai pu trouvé dans un ouvrage destiné aux enfants, une phrase comme : … pour simplifier, considérons le spin des particules comme une sorte de moment angulaire…
Bref, je me sentais comme un abruti vaniteux en ne comprenant pas tout de ce livre simplificateur quand un autre genre d’abruti vaniteux — de la famille des bedonnants à calvitie gominée (beaufus ventrum calvitiae) — déchira la quiétude d’un vociférant : Il manque une boule !
Ce con jouait à la pétanque et avait perdu une boule. Comment peut-on perdre une boule de pétanque sur une aire plane et sableuse ? Rien que ce forfait, devrait lui valoir des retraits de points sur sa carte d’électeur ! Le pire, c’est qu’il accusa ouvertement les deux gamins qui avaient, deux minutes auparavant, traversé le boulodrome en courant : J’m’en doutais quand j’les ai vu courir ! J’suis sûr qu’ils l’ont embarquée !
Tu imagines bien deux gamins, se courant après comme tous les gamins du monde, profiter d’un moment angulaire d’égarement pour te subtiliser discrètement une boule de pétanque et s’enfuir avec… Bien évidemment, il a retrouvé sa boule qui se planquait derrière un de ses sacs — peut-être en avait-elle marre d’être manipulée, essuyée, lancée, choquée contre ses sœurs de misère par cet imbécile ?
Jamais il n’émit la moindre excuse même virtuelle à l’égard des enfants… et ses compagnons de jeu ne lui en firent pas la remarque… J’ai failli me lever et le lui dire et puis à quoi bon ? Les mômes étaient loin et ce pauvre type, confronté devant ses potes à son imbécilité crasse, n’aurait sans doute pas eu l’éclair d’intelligence minimale pour reconnaître son erreur et aurait risqué de s’enfoncer un peu plus avec des arguments aussi ambitieux que : C’est pas une raison !
, Faut s’méfier des gamins !
, C’est ma boule, j’avais les boules !
, ou autres Qu’est-ce que ça peut te foutre ?
voireJe t’emmerde !
, etc.
Je me suis donc replongé dans les corrélations quantiques. J’ai déjà lu cinq fois ce chapitre. Non seulement, je n’ai toujours rien compris mais j’ai l’impression que les petites choses que j’avais cru comprendre des chapitres précédents se sont envolées comme mille ballons de baudruche pastelle, goulument aspirés par un intrigant ouragan pour rapidement disparaître dans un ciel redevenu sombre et vide.
Je vais rendre ce livre et le reprendre dans quelques semaines, le temps d’une nécessaire décantation : j’en suis à imaginer que des physiciens sous acide pourraient, dans le grand collisionneur du CERN, remplacer leurs chères particules par des boules de pétanque !
La prochaine fois, sans doute, je te parlerai de l’univers.
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