Liberté : bis
La réflexion sur un sujet fondamental a ceci d’intéressant que chacun peut y participer sans que personne ne s’attribue, qui les bons arguments, qui la meilleure théorie. Chacun est apte, selon son éducation, son cadre de vie, sa volonté, ses envies, à dire « sa » vérité sans contester celle de l’autre.
Cet article de l’ami emilpoe sur la liberté me donne l’occasion d’écrire celui-ci.
Pour apporter mon avis sur la question, je considère la liberté non comme un état d’esprit (comme pourrait l’être la douceur, la violence, la générosité, l’indifférence…) mais comme une recherche perpétuelle. Une recherche en constante adaptation pour tenter d’harmoniser les contradictions ou contraintes entre un état d’esprit et l’environnement dans lequel cet état d’esprit évolue.
Un exemple simple.
Personnellement, j’ai un état d’esprit… comment dire… compliqué. Dans un environnement à fortes contraintes externes (école, entreprise, famille…) ma recherche de liberté va générer toute sorte de conflits qui finiront par m’éloigner plus ou moins définitivement de ces groupes (quelque soit leur qualité intrinsèque).
Au contraire, dans un environnement plus sympathique (amis, amies, animaux, bars de nuit…) cette recherche pourra confiner à l’état d’esprit puisque je n’aurais pas besoin de forcer ma nature (qui est, je le rappelle, compliquée).
C’est ce qui rend la vie en société difficile : chacun possède sa propre complexité d’esprit alliée à une recherche de liberté toute personnelle.
À mon sens, cette recherche de liberté n’est pas un acquis (culturel ou social) mais une composante fondamentale et originelle de l’humanité. Elle permet à la fois la puissance de la création artistique et l’humilité devant la magie du vivant. Justement parce qu’elle se situe dans une dynamique forcenée pour concilier l’inconciliable. Un peu comme si nous tentions constamment de rapprocher les pôles de même type de deux aimants !
Les organisations sociales constituées (démocraties, monarchies ou autres…) sont à cet égard contraignantes : leur rôle essentiel est de limiter la recherche de liberté de chaque individu et de lui substituer une proposition de bonheur collectif principalement axée, soit sur la boulimie consumériste dans les sociétés occidentalisées (bouleversement social permanent), soit sur le respect des traditions et des ancêtres dans les sociétés tribales (immobilisme social).
Bien sûr, l’organisation des sociétés va au-delà de cette simplification (caricature ?) mais surtout au-delà de cet article ! Dans un prochain, peut-être…
Face à ces restrictions dans leur recherche de liberté, les individus se rebellent constamment : soit seul et en silence, en tentant de se créer un « monde parallèle », soit en se regroupant et en agissant plus ou moins violemment. Parfois ils récupèrent a minima ce qui leur fut enlevé, parfois ils glanent davantage… Puis, lorsqu’ils s’endorment sur leur Histoire, les représentants de l’autorité sociale tentent plus ou moins sournoisement de nouvelles restrictions. C’est cet échange permanent entre privation et récupération qui fondent la dynamique des civilisations : la récupération se symbolisera notamment dans l’art et/ou la foi tandis que la privation aura pour cadres principaux l’école et/ou la religion.
Voir sous cet angle les agitations actuelles d’une société française exclusivement tournée vers la privation permet d’imaginer qu’un retour aux recherches de liberté ne se fera pas sans recourir à des solutions lourdes de conséquences et potentiellement contre-productives… Bien qu’il ne sera pas déplaisant de voir quelques banquiers suspendus aux meilleures branches de chênes centenaires pendant que des meutes guillerettes de chiens errants se disputeront les restes odorants des organigrammes politiciens…
Cela dit, les contraintes d’aujourd’hui sont toutes d’ordre international : il n’est plus possible pour un État seul de décider du bon ou du mauvais y compris dans le strict sein de ses frontières. C’est à la fois l’intérêt de la globalisation : la conscience d’être tous dans le même bateau ; et le danger d’icelle : n’avoir qu’un capitaine !
Je me pose d’ailleurs la question (non résolue) de la nécessité (ou non) d’une république universelle et j’y reviendrais certainement dans un prochain article.
En ce qui concerne directement l’acquisition ou la privation du sentiment de liberté, il me paraît clair que plus l’autorité sociale est puissante, plus l’individu est affaibli. Les exemples récents de la Russie sous Staline et de la Chine sous Mao sont éloquents. À imaginer (en frissonnant…) ce que ça aurait pu donner à l’échelle de la planète !
Et c’est pourtant bien ce qui est en train de se passer ! À cette différence près, énorme et essentielle, que nous construisons volontairement les barreaux dont nous nous entourons. Malgré les apparences, aucun État, aucune politique autoritariste, ne nous oblige à posséder un téléviseur, à acheter un journal rempli de publicités, à confier aveuglément notre vie à un ordinateur dont nous ignorons le moindre principe de fonctionnement, à ne pas tendre la main à notre voisin (ou les deux à notre voisine), à jeter, à brûler, à polluer…
Les entreprises multinationales n’existent que parce que nous cédons de plein gré (et parfois avec hystérie pendant les soldes…) à leurs propositions. Leur principale force est de savoir repérer nos frustrations puis de les fondre dans des pulsions d’achats aussi inutiles dans l’instant que pesantes pour l’avenir. Nous pensons être libre (avoir le choix) de regarder tel programme télévisé en fonction de nos goûts et de nos attentes alors que nous ne faisons que participer à l’extension du domaine publicitaire en achetant un écran, en le branchant et en nous endormant devant… Idem en allant au cinéma (qui ne vit plus que de l’argent des chaînes de télévision) ou en parcourant un magazine.
Tout support duquel nous n’avons pas la possibilité d’enlever la publicité est un piège. Et ce piège fonctionne parfaitement ! Une offre n’est jamais neutre en terme de liberté. Qu’elle soit commerciale ou relationnelle, son acceptation entraîne de facto une privation (volontaire) de liberté au moins pendant la consommation effective de cette offre (ce qui peut être très long pour les offres commerciales…).
J’en entends un, là-bas dans le fond : « Et ton ordinateur branché sur Internet, c’est pas un méga-piège à publicités ? »
Ça aurait pu être le cas mais j’utilise un système GNU/Linux et je me sers de bloqueurs de publicités. Je limite donc fortement les dégâts sans toutefois les annihiler totalement.
L’exemple de l’ordinateur et d’Internet est symptomatique de l’état de déshérence politique de notre société en fin de vie : alors que nous possédons (enfin !) l’outil de communication inter-culturel le plus abouti de l’histoire des techniques (ce qui devrait faciliter nos recherches de libertés…), la seule utilisation de masse que nous lui avons trouvé est une incitation quasi quotidienne à « élargir nos pénis » ! La première fois que j’ai eu cette annonce dans ma boîte à spams, j’ai aussitôt pensé : Just a little bit !
Enseigner, réfléchir, transmettre, partager, évaluer, évoluer étaient pourtant à portée d’écrans… Dommage.
(Oups ! j’ai l’impression que j’ai un peu dérivé par rapport au sujet initial. Les aléas du direct ! On va tenter un atterrissage en douceur… Attachez vos ceintures !)
Dans son article, emilpoe a écrit une phrase-clé : En fait la liberté c’est un peu comme le bonheur, c’est de temps en temps.
Les différences d’appréciation dans les recherches de liberté tiennent toute entière dans ce « de temps en temps », réducteur mais évocateur : certains trouvent parfois quand d’autres chercheront toujours…