Visite au Musée Guimet hier après-midi, pour voir l’exposition consacrée aux splendeurs des Han, ces chinois bâtisseurs qui régnèrent quatre siècles, du deuxième siècle avant Joseph au deuxième après Judas, au moment précisément où l’Europe, le Proche-Orient et le nord de l’Afrique procédaient plus ou moins pacifiquement à leur « romaniement ».
À noter que le H de Han se prononce « à l’allemande » comme dans Bach : on ne dit pas Jean-Sébastien révise son bac mais Jean-Sébastien pianote au bar.
L’expo est intégralement centrée sur les résultats de fouilles dans les tombes des princes et fonctionnaires de cette époque qui avaient le bon goût (au moins pour les archéologues et les historiens d’aujourd’hui qui voient là leur travail facilité) de s’enterrer (ou plutôt de se faire enterrer) avec tout ce qui leur appartenait : armée (tu as certainement entendu parler de celle-ci), serviteurs, animaux, objets. Armée, serviteurs et animaux étant des reproductions miniatures d’une extraordinaire précision.
J’écris peu sur la Chine et les chinois. Le seul article dans lequel je m’y suis risqué a été écrit à l’occasion du passage à l’année du lapin.
La Chine est un immense territoire, bien calé entre le ciel, objet de tous les regards et de toutes les craintes, et les steppes sub-sibériennes, pays des redoutables Xiongnu, combattants aussi efficaces que leurs supposés successeurs les Huns.
En gros l’histoire de la Chine est assez simple : la guerre succède à la guerre et de temps en temps, ce n’est pas tout à fait la paix car ça guerroie quand même un peu — juste pour dire de ne pas perdre la main — mais ça permet quelque développement technique et culturel. La dynastie des Han a su provoquer et profiter de ces moments moins guerriers pour unifier le pays, lui donner des lois, un État, des frontières, une culture et des murailles.
Mais je ne vais pas te faire un cours d’histoire. Le gros apport des Han à la culture mondiale c’est le papier. Imagine un monde sans papier, des bibliothèques pleine de rouleaux de papyrus, de plaques d’argile et de marbre. C’est peut-être en leur honneur que les bûcherons poussent leur fameux « Han ! Han ! » à chaque coup de hache dans les troncs centenaires. (Je ne renoncerai jamais dans ma quête du calembour ultime.)
Le papier a été une révolution tranquille qui passerait presque inaperçue. Moins bien référencée que la maîtrise du feu, l’invention de la roue ou même l’imprimerie. Peut-être parce que l’histoire officielle du monde a, jusqu’ici, été exclusivement écrite par les occidentaux, Europe de l’ouest puis États-unis ? À l’heure de son déclin annoncé, il est peut-être utile de se souvenir de son origine et des circonstances d’icelle. On ne sait jamais : un jour, peut-être n’aurons-nous plus assez d’électricité pour nos chers machines et il faudra bien (ré)inventer un support aux mots doux et aux feuilles d’impôt.
Le papier naît donc en Chine vers l’an 8 après Marie-Madeleine, puis est récupéré au VIIIe siècle par les armées musulmanes en Asie Centrale et de là, remonte lentement jusqu’en Europe où il s’installe autour du XIIe siècle. Et c’est là que naît son industrialisation suite au succès de l’imprimerie de Gutenberg qui se distingue des procédés d’impression chinois par l’usage de la presse et d’une encre spécifique, deux procédés qui permettront la fabrication rapide et la diffusion élargie du livre papier dont le fameux Petit Livre Rouge du grand fossoyeur à la faucille dont les tirages ont longtemps concurrencé ceux de la Bible !
Les plus retors d’entre vous auront vite remarqué que, grâce aux conquêtes musulmanes en Asie Centrale, les dessinateurs du XXIe siècle ont pu s’épancher en toute liberté…
History is a bitch.
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