J’ai parfois l’impression d’être une île, dans un grand océan dont j’ignore le nom. Ce que la marée m’apporte de promesses est emporté par le ressac. Abrasif, il arrache un gros lambeau de plage et sous le fin sable chaud, les froids galets guaneux célèbrent une victoire.
C’est la plus ancienne image que conserve ma mémoire. Mais je ne sais pas s’il s’agit d »un souvenir véritable ou d’une simple construction. Il doit, bien sûr, y avoir un peu des deux… mais c’est de ne pas savoir la part de l’une ou de l’autre qui me chagrine.
Note aux puristes de la grammaire : ce « l’une et l’autre » aurait dû s’écrire « l’un et l’autre » puisqu’il s’agit respectivement d’un souvenir et d’une construction. Mais d’une, j’emmerde les puristes, et d’un, chez moi, parfois, le féminin l’emporte.
L’image, donc.
Une plage, deux cabanons qui semblent être de bois, des enfants étendus, inertes, à côté de moi qui hurle… et ce loup noir à demi caché par un des cabanons… bon, pas tout à fait un loup… une silhouette de carton-pâte qui ressemble à l’idée qu’on se faisait du loup avant de s’apercevoir qu’on venait de massacrer l’un des plus magnifiques animaux de cette planète… La construction doit vraisemblablement être là.
Je suis face à la mer, les autres enfants sont étendus sur ma gauche et le loup est derrière moi. je me tiens la tête et je pousse un cri… j’ai peur ! Je veux avancer mais j’en suis empêché : je n’ai pas de jambes ! Curieusement, toute la scène est immobile — même le loup — sauf ma tête qui va violemment de droite à gauche et embrasse le paysage à 180 degrés.
Cette image je la promène depuis tellement longtemps ! Mais je ne sais pas quoi en faire. Je ne sais pas d’où elle vient. Je ne sais pas ce qu’elle signifie. Je ne sais pas pourquoi elle est aussi immuable depuis tout ce temps. Je ne sais pas grand chose mais Je peux même dire que c’est mon seul « souvenir » de petite enfance !
Je ne vais pas me lancer dans des hypothèses foireusement psychanalytiques, ce n’est pas mon domaine. Par contre, j’ai acquis des doutes sérieux sur certaines facettes de ce début de vie (qui, semble-t-il, aurait quelque peu merdoyé) et dont je ne vous ferai pas immédiatement part… en tout cas pas dans cet article. Non pas que je tiens à ménager une forme de suspense… j’aimerais juste tenter de conserver le plus longtemps possible mon intégrité mentale (ha, ha !) dans cette chasse aux fantômes dont je te disais récemment qu’elle avait redémarrer.
Le terrain étant fortement miné, je vais procéder par bribes, en désordre, comme ça vient (ou revient)… ce qui te semblera parfois incohérent mais je m’en fous, là, je bosse pour moi !
Ha ! et pour le titre de ce billet, n’y cherche rien de caché : c’est juste que je ne sais pas résister à un joli jeu de mots !
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