Les gens sont toujours contents, les gens

Cela fait quelques siècles maintenant que les roitelets succèdent aux roitelets, que les tyrans succèdent aux tyrans, que les seigneurs remplacent d’autres seigneurs, et — plus près de nous — que des présidents veules et imbéciles succèdent à des présidents malhonnêtes et incompétents. Pourtant, il y a toujours comme une forme d’excitation infantile dans cette sarabande incohérente bien que régulière.

Quand Pompidou a remplacé De Gaulle, les gens étaient contents de voir un type normal remplacer un vieux militaire.
Quand Giscard a remplacé le cadavre de Pompidou, les gens étaient contents qu’un jeune remplace un vieux banquier d’affaires.
Quand Mitterrand a remplacé Giscard, les gens (dont moi) étaient contents qu’un socialiste remplace un vieil aristocrate.
Quand Mitterrand a remplacé Mitterrand, les gens étaient contents qu’un Européen remplace un vieil utopiste.
Quand Chirac a remplacé Mitterrand, les gens étaient contents qu’un mangeur de pommes bien d’chez nous remplace un croqueur de pommes adultère et collabo.
Quand Chirac a remplacé Chirac, les gens étaient contents qu’un voleur de pommes ne soit pas remplacé par un vieux tortionnaire fasciste.
Quand Sarkozy a remplacé Chirac, les gens étaient contents qu’un p’tit bonhomme haut comme trois pommes remplace un vieux menteur.
Quand Hollande a remplacé Sarkozy, les gens étaient contents qu’un p’tit gros sympa remplace un traître hystérique, sournois, méchant, incompétent et bas comme trois pommes de terre.
Quand n’importe qui remplacera Hollande (y compris Hollande) les gens seront contents que n’importe qui (y compris Hollande) remplace un vieux bourgeois ventripotent.

L’essentiel, finalement, est dans le remplacement qui donne une illusion de nouveauté. Je ne saurais pas dire à quel moment exact la forme a définitivement remplacé le fond. Peut-être d’ailleurs n’y a-t-il jamais eu de fond ? Ces remplacements excessifs et inutiles ne seraient alors qu’une demande mal formulée. Une compréhensible hésitation. Une erreur de jeunesse. Et alors il finira bien par faire beau.

Sinon, ça va être le bordel…

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