Les fières racines de l’arbre mort

Racines, racines… Voilà ce joli mot à nouveau mal employé dans cette pré-campagne présidentielle qui commence déjà à puer très fort. Un petit point s’impose.

Racine
Partie inférieure, le plus souvent souterraine, d’une plante vasculaire, qui permet la fixation du végétal dans le sol tout en assurant son alimentation en eau et en sels minéraux. [source]

Bien sûr, ce mot a développé — par atavisme, sans doute — de nombreuses occurrences mais toutes ont ce point commun absolument explicite : la racine est le point de départ vers autre chose. Autrement dit, si la racine a son importance, c’est uniquement pour ce à quoi elle a permis de croître et non comme ridicule radicule sans rameaux ni bourgeons.

La proposition (maladroite) d’Eva Joly d’accorder un jour de congé supplémentaire aux deux autres religions monothéistes (pour l’Aïd et pour Kippour) a réveillé les (nombreux) adorateurs des racines chrétiennes de la France.

Bon, déjà, les racines de la France c’est une forme d’oxymore puisque géographiquement notre pays était un terminus pour les populations migrantes. De ce point de vue, le territoire qui compose approximativement notre actuel hexagone aurait plus de légitimité à se réclamer d’une canopée que d’une quelconque racine !

Bien évidemment, les souverainistes, les nationalistes et les chrétientistes, qui arrangent toujours l’Histoire à leur façon, ne remontent jamais jusqu’aux premiers peuplements. Bizarrement, pour eux, la civilisation commence avec la construction de la première église… Et même en admettant, pour le principe, cette pure ânerie, comment ne pas voir l’évolution (parfois positive, parfois négative) de ce rameau chrétien ? Faut-il être suffisamment abruti et/ou menteur récidiviste pour croire et/ou faire croire que rien n’a bougé depuis l’an 300 ou 400, je ne sais plus bien mais c’était un jeudi, c’est sûr, puisque Charlemagne n’avait pas encore inventé l’école !

Les tenants des racines chrétiennes de la France me font l’effet de pépiniéristes qui élagueraient systématiquement tout ce qui sort de terre pour ne conserver que le souterrain, pour se complaire dans l’obscurité et se repaître d’obscurantisme.

La France (ou du moins la société française), comme toutes les autres sociétés d’ailleurs, est un arbre. OK, un arbre sans racines ça n’existe pas vraiment, ça ressemble vaguement à un poteau télégraphique sans fil… Mais des racines ne suffisent pas à faire un arbre. Pour faire un arbre, il faut :

  • de la terre ;
  • de l’eau ;
  • du soleil ;
  • des oiseaux ;
  • des chats sauvages ;
  • des écureuils ;
  • des ours ;
  • de l’orage ;
  • de l’amour ;
  • des enfants ;
  • des loups ;
  • des diables ;
  • des dieux ;
  • des odieux ;
  • un raton-laveur ;
  • de l’amour ;
  • du vent ;
  • du temps…

Beaucoup de temps.

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