La ville : la réhabiliter pour mieux la réhabiter

Comment appréhender la ville quand elle se transforme, évolue ou périclite tout comme ceux qui y vivent ?

Qu’est-ce qu’une ville ?

L’architecture extérieure de ses bâtiments, la culture qu’ils abritent, le tourisme qu’ils engendrent sont des facteurs aveuglants : tout le monde connait la Tour Eiffel mais de quoi est-elle vraiment la représentation ? De Paris, ville-vivante ou de Paris, ville-musée ? A contrario, le maillage d’une ville (ses rues, ses transports, ses câbles, autant leur absence que leur interaction), semble plus à même de dire ce qu’est une ville aujourd’hui et comment elle permet à ses habitants d’y vivre et de se l’approprier.

Parfois subtiles, parfois brutales, souvent imperceptibles, les évolutions fonctionnelles d’une ville sont peu connues parce que décidées entre techniciens spécialisés : architectes, urbanistes, publicitaires, promoteurs immobiliers et politiciens se sont quasiment arrogés un droit de vie et de mort sur la morphologie des villes. Ils en ont (trop) souvent profité pour uniformiser les centres commerciaux, les cités HLM, les ronds-points, la signalétique et l’éclairage, là où les historiens, les philosophes, les piétons, les habitants et leurs chiens (soyons fous !) auraient pu y joindre un supplément d’âme.

Le fonctionnel rentable (quitte à ce que ce ne soit pas si fonctionnel que ça…) a pris le pas sur la réflexion lente et les chantiers de longs termes.

Au hasard du web (et aussi parce que j’ai déjà croisé l’auteur en d’autre blog et pour d’autres raisons) je [re] découvre ce site : [pop-up] urbain.

L’auteur se sert habilement (et souvent) des jeux vidéos pour montrer et démontrer les possibles, probables et actuelles évolutions structurelles des villes. Par exemple, si tu aimes les bolides à quatre roues, cet article est absolument passionnant !

Personnellement hermétique au monde du jeu vidéo, j’ai parcouru le site en diagonale et suis resté assez longtemps perplexe sur ce projet d’intégration de la « réalité augmentée » (apport de l’outil numérique à la compréhension d’un lieu) dans la réflexion architecturale. Puis, j’y ai vu comme un prolongement (ou plutôt, un tentacule connexe, comme l’aurait prophétisé Paul-le-poulpe…) à mes propres réflexions sur l’habitabilité de la ville à l’heure de la précarité comme point de référence du statut urbain.

Précarité est devenu un terme un peu fourre-tout. Les miséreux, les clochards, les étudiants, les chômeurs, les retraités, les travailleurs pauvres, les immigrés (clandestins ou non) en forment le gros des troupes. Ce qui représente un paquet de monde même si certains cumulent plusieurs états… très certainement pour saloper les statistiques… voyous !

Quoiqu’il en soit, cette précarité se concentre dans les grands centres urbains pour d’évidentes raisons de commodités : accès plus facile et plus fréquent à la nourriture, aux soins et à divers services sociaux. D’autre part, la précarité (sur un plan national) contribue activement à la désertification de l’espace rural et dans cette migration forcée, la qualité ou l’absence de qualité des prestations offertes par la ville n’est pas un critère ; le critère de migration est l’existence supposée (et souvent fantasmée) de ces prestations.

Ainsi la ville se trouve-t’elle aujourd’hui artificiellement gonflée d’une population foisonnante et pourtant invisible dans les projets d’aménagement si ce n’est pour les en exclure un peu plus comme le montrent les évolutions récentes du mobilier urbain, notamment à Paris.

Une réhabilitation de centre-ville tentera de faciliter la vie d’une famille traditionnelle, telle que la pense encore le Code Civil et telle que la caricature les affiches vantant cette réhabilitation : monsieur au volant, madame emmenant ses enfants blonds à l’école… Or, cette famille-là existe de moins en moins. Avec l’augmentation de la précarité et le retour en grâce du transport en commun, la recomposition familiale est le dernier volet du triptyque redéfinissant la fonction sociale de la ville. Mobilité sociale et affective, mobilité physique et virtuelle (la fameuse « réalité augmentée »), la ville de demain sera dynamique et protéiforme, transformiste et transgenre.

La misère a toujours accompagné la ville. Elle en est la résultante. Elle est une échelle qui mesure les potentiels attractifs et créatifs de la ville. La misère, en tant que repoussoir, a également une fonction sociale importante. Enfin, la misère est aussi un excellent marqueur géographique : les zones qu’elle occupe successivement décrivent parfaitement l’évolution de la ville et de ses priorités.

Les villes dans lesquelles la misère, bien qu’existante, est peu visible, sont des villes mor(t)(n)es. Choisis ta consonne, camarade ! L’expression qui veut que « les rats quittent le navire » lorsque ce dernier s’apprête à sombrer, peut parfaitement se paraphraser : « quand les miséreux quittent la ville, c’est que la ville meurt. »

Bien sûr, il n’est pas question d’encourager, de pérenniser ou d’instituer une misère obligatoire pour redynamiser la ville ! Mais déjà, tenir compte de cette gémellité siamoise entre misère et urbanité permettrait de repenser la ville pour absolument tous ses habitants.

Et ta fameuse « réalité augmentée », me demanderas-tu, qu’est-ce qu’elle vient faire dans tout ça ?

Pour le moment, pas grand chose… J’avoue que je suis loin de maîtriser tous les concepts liés à cette technologie mais ce que j’en entrevois m’ouvre des perspectives… J’aurais bientôt l’occasion d’en discuter avec le créateur du projet KUBIKOPEDIA, je reviendrais alors affiner ou infirmer certaines choses.

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