La pluie

Il y a différentes sortes de pluies. Celle de ce matin, je la classe dans la catégorie « pluie stagnante ». Tu as l’impression que l’eau tombe au ralenti. Qu’elle prend tout son temps. Le temps de repérer où elle va exploser. De préférence dans mon cou. Entre mon col et mon écharpe qu’il ne sert plus à rien de resserrer. Autant se cache-coliser avec une serpillière.

OK, j’aurais pu rester dans le parking à attendre que la pluie s’arrête plutôt que traverser Paris pour venir taper ce texte fantôme. Juste une partie de Paris, évidemment. Dont le plus gros, en métro. Mais quand même. Je crois que c’est le seul véritable inconvénient des cheveux longs si l’on excepte les attaques de ventilateurs et les briquets mal réglés.

Or donc, la pluie tombe au ralenti et me guette au sortir de la Gare de Lyon. Comment savait-elle que j’allais justement prendre cette sortie ? Qui m’a dénoncé ? D’autant que je la prends rarement. Bien qu’elle soit plus pratique. Mais tu arrives à réfléchir, toi, le matin ? Bravo. Moi, non.

Cette pluie, je l’appelle stagnante car non seulement elle semble immobile, suspendue dans les airs comme une araignée liquide sur sa toile de vent, mais surtout parce que je l’imagine bien s’installer pour la journée. Voire pour la semaine. Il faut bien nettoyer les rues de la ville.

Certaines d’entre elles, en des points très précis, sont tapissées de fleurs. Autour desquelles s’agglutinent toutes sortes de gens. Des policiers, des journalistes des voisins, des badauds, des proches et les inévitables connards à selfies qui semblent se reproduire plus vite que des lapins crétins dans une communauté hippie repue de gingembre. Je suis prêt à faire un deal avec les tueurs : passez du stackhanovisme à la précision. A splendid time is guaranteed for all. The Beatles. Dans Mr Kite. Souviens-toi. À cette époque, dans les chansons anglo-américaines, la pluie désignait les tapis de bombes qui s’abattaient sur le Viêt Nam. Interdiction étant faite d’en parler ouvertement à la radio et à la télé (les États-Unis ont toujours été une démocratie à géométrie variable), les artistes, pour pouvoir être diffusés, avaient trouver ce biais : la pluie.

Aujourd’hui, il pleut sur Paris. Cette pluie d’hiver qui dure et qui te glace.

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