Cause à nostra, ma tête est malade

La vérité, paraît-il, sort de la bouche des enfants. Je viens de le vérifier, à mes dépens, alors que je me dorais tranquillement au soleil après avoir avalé un sandwich dans le parc de Bercy.

À l’heure du déjeuner, de nombreux parisiens viennent y casser la croûte et profiter du chant des oiseaux. Ainsi ces deux jeunes mères et leurs filles (que j’ai supposé telles) de cinq ans, six ans maximum. Et les enfants, ça ne tient pas en place, ça court partout, y compris derrière moi. C’est du live, ça s’est passé il y a moins de trois heures…

Acte I, scène I. Le Parc. Deux fillettes (f1, f2). Moi (m). Moteur !

(f1) – vous voulez un bonbon ?
(m) – …
(f1) – hey, monsieur ! vous voulez un bonbon ?
(m) – non.
(f2) – il est pas gentil le monsieur…
(f1) – si, il est gentil mais il est triste…
(f2) – pourquoi il est triste ?
(f1) – je sais pas… peut-être il a pas de famille…
(m) – … (prend ses sacs et s »en va)

Non mais de quoi je me mêle petites sacripantes, espèce de garnementes, vilaines chenapantes…

OK, je n’ai pas (plus) de famille et alors ? Je n’aurais jamais imaginé que ça me donnerait l’air triste au point de me faire offrir des bonbons par des enfants… C’est le monde à l’envers !

Bon, en même temps, je ne crois pas avoir été si triste que ça à ce moment précis ou alors pour une toute autre raison. Songeur peut-être. Vaguement somnolent comme après tout repas. À cet âge (celui des fillettes), on ne possède pas forcément un vocabulaire très précis (c’est valable aussi pour l’appellation de « gentil »). Maintenant, pourquoi associent-elles spontanément l’absence de famille et la tristesse ? À voir du côté des dessins animés ou des histoires racontées à l’école… Si tu as des mômes de cet âge, tu devrais avoir la réponse.

Parce qu’en fait, être sans famille n’a rien de triste en soi. Je suis sûr que des tas de gens échangeraient volontiers la leur contre un peu de paix et d’amour… OK, pour ma part, cette absence m’a rendu solitaire, secret et asocial. Peut-être aussi est-ce le point de départ de ma réflexion sur la nocivité de la famille comme groupe social parasite de la collectivité, un peu comme un « état dans l’état ». De la famille au communautarisme, du communautarisme au sectarisme, du sectarisme à la folie carnassière, le chemin est extrêmement bien balisé et a souvent été emprunté.

Évidemment (et heureusement !), toutes les familles ne sont pas aussi criminogènes, surtout considérées depuis l’intérieur, c’est-à-dire par les individus la constituant.

Tu commences à me connaître, tu sais que j’aime réfléchir globalement — ça me paraît à la fois plus simple et plus pratique puisque le global, comme son nom l’indique, englobe l’individuel, même si l’individuel influence le global. Mais réfléchir uniquement du point de vue de l’individu me paraît être une forme d’égoïsme et je maintiens que la notion de famille est une forme d’individualisme sur le plan global.

D’où l’idée émise un jour dans un commentaire (mais je ne sais plus sous quel article) évoquant l’intérêt qu’il pourrait y avoir à un « élevage collectif des enfants ».

Malheureusement, la machine à laver de Lou a emporté la série de textes que j’avais commencé sur ce sujet. Dommage, elle aurait eu ici toute sa place.

Le « elle » précédent fait évidemment référence à la série de textes. Pas à Lou. Qui se sentirait à l’étroit dans ce monde à deux dimensions qu’est un texte plat. J’aurais pu écrire « ils » en référence aux textes puisqu’en toute logique, ce sont bien eux qui auraient pris place ici mais je suis un adepte de la grammaire libre en ce qui concerne les priorités de genre et j’avoue accorder une préférence au féminin qui permet d’aérer les phrases en créant des liaisons plus harmonieuses que dangereuses. Ami des manifs « anti-mariage pour tout genre » qui passerait par ici, va te pendre !

Je n’ai pas le courage de tout reprendre (c’était une série en trois parties déjà bien avancées) mais peut-être a-t-elle disparu parce qu’elle était simplement inadéquate, mal ficelée, trop hâtive, ou juste soluble dans l’eau à 40° ? Il me reste néanmoins le brouillon du préambule qui se résume à ce qui suit (une fois corrigé).

***

[début du brouillon]

De l’élevage collectif des enfants

Avertissement : le texte qui suit pourra heurter la sensibilité d’une personnes croyante :

  • soit qu’elle croit en un dieu unique et tout-puissant qui décide seul de la trajectoire de sa vie ;
  • soit qu’elle croit en un panthéon de dieux et de déesses qui peinent, entre deux confrontations et trois fornications, à décider de la trajectoire de sa vie ;
  • soit qu’elle croit en une sorte d’atavisme génétique, présent depuis le premier homo-quelque-chose puis transmis inaltéré à ses progénitures, et qui aurait décidé, une fois pour toute, de la trajectoire de sa vie.

Que cette personne passe son chemin car les lignes qui suivent remettent en cause le schéma familial traditionnel, la nécessité impérieuse pour un enfant d’avoir père et mère et, last but not least, la dualité masculin/féminin en prétendant :

  • d’une part, que le schéma familial traditionnel est une régression sociale par rapport à la tribu des origines ;
  • d’autre part, que les enfants doivent être élevés en groupe par des groupes plutôt qu’individuellement par un individu (dans ce contexte, un couple est un individu, pas un groupe) ;
  • enfin, que la féminité et la virilité ne sont que calembredaines et billevesées.

C’est bon, cette personne-là, t’es partie ?

Pour les autres, s’il en reste, il y aura trois parties qui suivront ce préambule :

  1. De la tribu à la famille : la descente aux enfers.
  2. De l’enfant-roi à l’enfant-droit : de retour des enfers ?
  3. Fémilin et mascunin : quand une île s’écrit avec un L.

J’aurai pu auparavant me documenter un peu sur le sujet mais je n’en ai pas eu l’envie. Je préfère aligner d’abord mes suppositions et mes hypothèses pour, éventuellement, les confronter ensuite aux auteurs sérieux. L’avantage de cette méthode est, d’une part, que je peux rédiger comme bon me semble sans influence externe, et d’autre part, que je ne peux qu’apprendre plein de choses passionnantes une fois que mes hypothèses auront été réduites à l’état de cendres froides par les travaux des universitaires.

Bon, en vrai, je me suis quand même un peu documenté : le sujet est sérieux et je n’avais pas trop envie de n’écrire que des conneries notamment sur le sujet de la famille qui est certainement le plus sensible des trois ! Je suis donc allé à la Bibliothèque Municipale de Paris (après le marché, tu prends à gauche et c’est à deux cent mètres) et j’ai ramené trois livres plein de pages remplies de petits caractères et qui me semblent parler en profondeur de ces thèmes.

Je n’ai évidemment pas encore pris le temps de les lire complètement — déjà, le temps de comprendre le titre du premier, pffffiouuu — notamment pour ne pas en être trop imprégné. Du coup, les trois parties précédemment évoquées seront suivies d’une sorte de conclusion ou de postface qui tentera de faire le point sur les différences entre ces trois ouvrages et mes trois articles. Une sorte de jeu des sept (cents) z’erreurs…

[fin du brouillon]

***

Ce brouillon doit avoir à peu près un an…

Et donc, j’avais plutôt bien avancé, notamment sur les parties 2 et 3 qui me permettaient de recycler des brouillons de textes jamais terminés, la partie 1 n’étant alors que des notes de lecture éparses et provisoires…

En même temps, lire je n’ai que ça à faire, donc je pourrais ré-emprunter ces livres et finir cette série d’articles mais j’ai déjà d’autres livres dans mon sac (sur un tout autre sujet). Après, peut-être, éventuellement, c’est pas sûr, on ne sait jamais, pourquoi pas, on verra, des fois que ce soit mon ami le hasard qui aurait soudoyé ces fillettes pour me contrarier la digestion et m’obliger à repenser au problème…

Si toutefois, cette fois, le démon de la machine à laver veut bien me vider les poches avant de se gloutonner comme un malpropre !

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