Pour la première fois depuis des années je suis allé faire un tour au Salon du Livre de Paris.
Mes motivations étaient tout sauf littéraire puisqu’il s’agissait de venir faire un petit coucou à Maïa, de passage à Paris et qui dédicaçait ses ouvrages sur le stand des éditions de La Musardine qui était, en dehors des éditeurs de bande dessinées, l’un des stands qui générait le plus d’attroupements… L’érotisme restera encore longtemps le levier le plus important pour déplacer les foules.
D’une manière générale, j’ai trouvé ce Salon un peu tristoune. Comme si la plupart des exposants s’étaient résignés à disparaître faute de savoir ou de pouvoir s’adapter aux nouvelles contraintes de la diffusion en ligne. On était très loin de l’ambiance festive des premières années. Même chez le numéro 1 de l’édition française (le groupe Hachette) la morosité semblait décuplée par le fait que leur stand était gigantesque, équipé d’éclairages puissants, de cloisons de verres, d’estrades à différents niveaux mais… seulement parcouru par deux hôtesses qui s’ennuyaient à mourir sur ce grand paquebot désert. Un mardi soir à 19h00, je m’attendais à voir plus de monde. Au moins mon agoraphobie aura-t-elle été épargnée !
Je n’ai quand même pas perdu mon temps, loin de là. D’abord, j’ai pu faire un peu la causette avec concert illustré.
… enfin, quand elle daignait s’accorder une pause entre interviews, dédicaces, recherches de stylos, de collègues auteures, de champagne… Maïa, quoi ! Surtout, j’y ai découvert un concept étonnant et absolument époustouflant : leCe n’est sûrement pas nouveau mais dans la campagne où je suis actuellement, le mot concept se rattache plutôt au sur-épandage de pesticide au prétexte que les enfants qui naîtront avec trois bras remueront plus de terre…
Le concert illustré, pour ceux qui connaissent encore moins que moi, consiste en une rencontre musiciens-dessinateurs, rencontre dans laquelle le dessinateur improvise sur scène, à côté des musiciens, un dessin reproduit en « live » sur écran géant… Effet garanti !
Dans un précédent article, je tentais d’expliquer pourquoi je ne considère pas le cinéma comme un art. Parmi les commentaires , certains m’ont parlé de mouvement, d’autres m’ont demandé si je considérais la BD comme un art. Le concert illustré va me permettre de répondre à tout ça !
Ce concert illustré était organisé par les éditions Poisson Pilote pour fêter leur dix années d’existence. Sur une scène (une vraie), le groupe Aribo : deux guitares électriques, une contrebasse, une batterie et un chanteur. De chaque côté de la scène deux tables à dessin sur lesquelles se relaieront Brüno, Bastien Vivès, Merwan, Jean-Paul Krassinsky, Hervé Bourhis et Antoine Perrot pour illustrer les chansons du groupe avec comme contrainte d’inclure au moins un poisson dans leur dessin. Je pense que tu as maintenant saisi l’exceptionnel jeu de mot contenu dans le titre de cet article publié un 1er Avril ! Plus sérieusement, ce type de performance m’a proprement enthousiasmé. Je ne suis ni dessinateur ni musicien mais j’ai eu mon compte de magie et j’y ai vu de l’art.
Ça, s’est dit… Maintenant, explications.
Je concluais ce précédent article par cette phrase : L’art est peut-être ce besoin de figer le hasard. Certainement pas la faculté de le reproduire.
C’est exactement ce qui m’a plu dans ce concept de concert illustré. Il y a eu de purs moments de grâce artistique fugace et non reproductible. Par exemple moment, étrange de beauté, lorsque la baguette du batteur frappe la caisse claire à l’instant exact où le crayon se pose sur la feuille, ou lorsque le glissando d’une guitare épouse parfaitement la courbe que l’encre révèle…
Même si cela a été voulu, répété, travaillé (ce dont je doute en l’occasion), cet instant précis est de l’art parce que c’est du live (c’est là, maintenant, tout de suite, sous tes yeux), aussi parce qu’il donne à voir, le temps d’une éphémère fraction de seconde, la parfaite harmonie entre le geste et le son. Le geste comme métaphore du mouvement, de la dynamique dont est issue la vie ; le son comme trace de la libération des énergies dont sont issus les mouvements…
Je le pense depuis longtemps sans avoir encore réussi à le mettre en mots mais je ressens profondément la musique comme une des origines de la vie, en complément d’autres phénomènes que je maîtrise encore moins et sous l’impulsion de ce hasard si majestueux et si volage…
L’art est ce hasard en action. Là ! Tout de suite ! Maintenant ! Hop, trop tard…
▣