Les désarrois du désarock

Un p’tit bout d’histoire vraie. De ces obstacles que tu prends pour des contraintes et qui sont en fait des guides. Le hasard, comme d’habitude. Avec Jess pour complice et ce petit livre comme arme du crime. Et qui vient démontrer on ne peut plus efficacement l’hypothèse que je développe dans un manuscrit en cours (« Réflexions sur l’écriture ») en prêtant une vie propre aux idées, indépendante de notre volonté mais orientatrice de celle-ci.

La vie est bizarre.

Qu’elle se la coule douce sur le béton ou qu’elle se crashe dur sous la mousse, qu’elle se sente moche quand elle est belle ou bien rebelle quand on l’amoche, elle est bizarre. Elle a un truc qui tourne pas rond dans sa caboche de vie bizarre. Et pourquoi, elle va pas faire ses bizarreries ailleurs que sous mon nez ? Comme si je n’avais pas assez des miennes.

T’es là, t’es tranquille, tu rédiges un bout de roman sans pression (le bar est fermé), tu bâcles un peu ce paragraphe-ci parce que tu es déjà à donf dans le prochain et tu sais que de toute façon, à la prochaine relecture, tu le compléteras ou le supprimeras si d’aventure il s’avère trop plat ou pas à sa place.

Sauf que.

Sauf que la vie est bizarre. Un matin elle arrive — armée de son sourire habituel pour que tu ne te doutes de rien — puis elle te dépose un petit livre, l’air innocent tout plein, genre, Tiens, j’ai trouvé ça, ça m’a fait penser à toi.. Et puis elle retourne vivre sa vie. Parce que même la vie a une vie. Qu’elle trouve peut-être bizarre ?

Toujours est-il que ce petit bouquin au titre quasi parfait (« Les Rois Du Rock ») est exactement — relis-bien : e-xac-te-ment — ce qui manque à ce fameux paragraphe qui n’a visiblement pas envie de mourir et a usé de je ne sais quel ressort ni de quelle relation pour me forcer à lui accorder l’attention qu’il pense mériter.

Bien.

OK.

D’accord.

Mais ce n’est pas vraiment ce que j’avais prévu pour toi, petit paragraphe, et encore moins pour le chapitre t’incluant. Tu crois vraiment, petit paragraphe agité, que je vais sagement t’écouter et faire de toi le « roi du rock » que tu n’as pas été foutu d’être au moment où je t’ai rédigé ?

Non, mais qui c’est qui commande, ici ?

Alors, effectivement, si j’en crois mes précédents écrits, c’est toi. Mais c’est pas une raison, bordel ! J’ai plus l’âge pour virevolter et te faire swinguer sur les sons acérés des villes en décomposition ! Je suis vieux maintenant, faut me foutre la paix ! En plus je suis à moitié sourd. T’aurais pu avoir la délicatesse de t’adresser à l’oreille qui n’entend pas !

Oh, mais ça va pas s’passer comme ça ! J’vais t’reprendre le déroulé puisque c’est ça qu’tu veux. Et j’vais t’coller au mur ! Ha ! T’as oublié qu’ça faisait mal quand on tapait juste là, hein ? Pas besoin de taper fort, d’ailleurs. Suffit d’taper juste. Comme toi avec ton p’tit bouquin ! Comment ça : C’est bon, ça suffit… ? Tu causeras quand j’aurais fini de te corriger, p’tit voyou !

***

Le p’tit bouquin : « Les Rois du Rock » par Thierry Pelletier, éditions Libertalia.

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