Football Angels ou les mercenaires du foot

Attention : cet article est susceptible de contenir des mots comme football, argent, ballon, stade, supporter, et peut-être des traces de poteau de corner. À lire avec modération, donc. Si les symptômes persistent, essaie le surf au large !

C’est l’été. Il fait beau, il fait chaud. Mes neurones sont à la ramasse et ne veulent plus fournir le moindre effort. D’autant moins si j’essaie de leur refourguer une énième proposition de billet d’humeur sur la laideur du monde. « La laideur attendra bien la rentrée ! » me soufflent-ils du fond de leurs méninges, hâtivement retressées en hamacs à damiers, au creux desquels des synapses en tenue légère leur ventilent les dendrites. « Que ne profites-tu pas de cette trêve inespérée pour réapprendre à sourire ? » ajoutent-ils, goguenards, en se partageant les dernières molécules de houblon.

Soit. Sourions.

Et qu’y a-t-il de plus fun dans les journaux d’été que les interminables feuilletons sous-scénarisés des transferts de joueurs d’une équipe de football à l’autre ?

À mi-chemin entre la traite des noirs et la traite des blanches, ce commerce estival (et ses soldes hivernales) prend, d’année en année, des airs de Salon de l’Agriculture. On y croise des maquignons taiseux qui rivalisent de haussements d’épaules pour faire grimper les enchères des bêtes que leur convoitent des Don Corleone de sous-préfectures en costumes rayés, lunettes dans le même état. On y parle rendement à l’hectare et optimisation fiscale. Quand on ne s’y échange pas les dernières trouvailles en matière de technique de traite, et plus particulièrement de traitement du droit à l’image, ou de mise bas, notamment de mise sur le bas de la touche.

Ce sont quand même souvent des gamins qui sont ainsi vendus et revendus comme de beaux broutards ou d’insupportables volailles. Et je ne crois pas que le fait d’échanger des millions d’euros réduise de manière significative l’insanité intrinsèque de ces transactions.

Mais sourions plutôt et imaginons pour ce football un avenir un peu plus sportif à défaut de lui retrouver des vertus d’innocence qu’il n’a peut-être jamais eu…

Batifolons gaiement parmi des hypothèses joyeuses qui, si elles se réalisaient, nous permettraient peut-être de retrouver un intérêt pour ce sport trop bien nourri qu’est devenu le football européen.

Commençons par quelques constatations, des plus évidentes aux plus sournoises, et enchaînons par quelques propositions, des plus sérieuses au plus amusantes.

Première mi-temps : les constatations

L’amour du maillot n’existe plus, ni chez les joueurs, ni chez les dirigeants. Restent quelques supporters qui brandissent encore fièrement les fanions aux couleurs de leur bled mais c’est souvent parce qu’il n’y a pas d’autres buvettes à proximité.

Les maîtres-mots, désormais, sont revalorisation salariale, projet sportif (ha, ha !) et occupation médias. Ce qui, tu le liras plus loin, m’a amené aux deux premières propositions.

L’abus de retransmissions télévisées du moindre match amical de préparation entre les juniors de Trouducahuzac-lèz-Deux-Jambons et le Football Club Universitaire de l’Olympique Épique École-et-Graham, a quelque peu tué le plaisir qu’il y avait à glander au fond d’un canapé émaillé de restes de chips et de capsules de Kronenkein en promo (48 canettes gratuites pour l’achat de douze packs familiaux de 480 canettes « Pack Spécial Championne Sligue »).

S’apercevoir, en lisant en déchiffrant leurs tweets, que certains dirigeants, parmi les plus grands les plus riches clubs, ont le même niveau scolaire que les gamins du centre de formation, n’est pas fait pour rehausser la considération qu’on peut encore avoir pour ce jeu de ballon qui se joue certes avec les pieds mais qui n’oblige nullement à réfléchir avec.

Imaginer qu’une simple confiscation des avoirs du PSG et de l’AS Monaco suffirait à financer les différents plans sociaux qui attendent patiemment la rentrée pour mettre hors-jeu la moitié de la population ouvrieuse, ne donne pas envie de s’abonner aux différentes antennes qui te promettent un match de l’année tous les week-ends.

Patienter un an pour, au final, avoir toujours le même champion d’Espagne, le même champion d’Allemagne, le même champion d’Angleterre, le même champion d’Italie, et être obligé de se rabattre sur le championnat de troisième division de Caucasie du Sud-Ouest pour avoir un peu de suspense, ne permet plus ni d’enflammer les discussions de comptoirs ni de survendre des journaux.

Constater que le nombre moyen de buts marqués par un « buteur » est à peu près égal à la moyenne des QI de toute l’équipe, n’est pas une bonne publicité pour la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans qui est, très étonnamment, la moyenne en question.

Je n’ai rien contre la Grande Russie mais voir que de plus en plus de milliardaires cosaques viennent réinvestir leurs plus-values gazières dans des troupeaux d’unijambistes me laisse perplexe quant à l’obtention par l’un d’entre eux, un jour prochain, d’un prix Nobel d’économie !

2ème mi-temps : les propositions

Fort de ces constatations et titulaire émérite d’un Master de Polichinelle en Carton-Pâte, je te propose les choses ci-dessous. Les « choses ci-dessous » n’étant pas, en l’occurence, la garniture velue qui peut être amenée à déborder d’un kilt écossais les soirs de victoire du Celtic.

Un championnat européen des clubs

Laissons se terminer la saison 2015-2016 et, juste après la finale de l’Euro qui verra la Lituanie s’imposer aux tirs aux buts contre une étonnante équipe roumaine, fêtons l’arrivée du premier Championnat Européen des Clubs qui pourrait prendre la forme suivante.

Une Champion’s League qui comprendrait les vingt clubs les mieux classés de leur championnat respectif sur les dix dernières années, sachant que pour avoir une compétition équilibrée, on y fait figurer en priorité les clubs anglais, espagnols, italiens, allemands, portugais, russes et bataves auxquels on adjoindra l’AS St Étienne parce que.

Ce qui nous donnerait, en gros, Manchester United, Chelsea, Arsenal, Liverpool, le Real Madrid, le Barça, Valence, l’Atletico, La Juve, le Milan AC, l’Inter, le Bayern, Dortmund, Benfica, Porto, Donetsk, le Zénith, l’Ajax, le PSV Eindhoven et donc l’AS St-Étienne parce que.

Une Europa League, constituée des différents championnats nationaux tels qu’ils existent actuellement mais amputés des équipes précitées.

À l’issue de ces championnats, les vainqueurs et les meilleurs seconds disputent des play-off. Les quatre demi-finalistes accèdent au Championnat Européen, à la place des quatre derniers de celui-ci qui, eux, rejoignent leur chamiponnat national.

Pour pimenter la saison, une Coupe d’Europe sur le modèle de la Coupe de France à l’ancienne, est remise sur pied : participation de toutes les équipes inscrites à l’UEFA, chaque tour de compétition voyant entrer en lice le niveau supérieur, avec tirage au sort intégral et match à élimination directe (sans têtes de séries) en seulement 90mn, sans prolongation ni tir au but, sans match retour, sachant qu’un match nul éliminera les deux équipes. Excepté, évidemment, au stade des demi-finales.

Autorisation du mercenariat

Puisque, voir plus haut, l’amour du maillot n’existe plus, autorisons certains joueurs à proposer leurs services en « pay per match » avec, cependant, les quelques règles suivantes.

Seules les équipes de Champion’s League en bonne santé financière seraient autorisées à recruter ponctuellement des mercenaires et pour un nombre de matches limités et non consécutifs.

Les mercenaires ne seraient pas autorisés à jouer, au cours du même match, une mi-temps pour une équipe et une mi-temps pour l’autre. Ils ne pourront pas non plus, s’ils ont joué le match aller, jouer également le match retour, ni pour une équipe ni pour l’autre.

Les mercenaires auront un club d’attache (pour leurs besoins en entraînement physique, etc) en dehors de la Champion’s League et devront en changer si leur équipe y accède ou renoncer au mercenariat (restons souples). Ils pourront bien sûr disputer le championnat dans lequel leur club est inscrit.

Les clubs de l’Europa League (ou des divisions inférieures) qui compteraient dans leurs rangs des mercenaires ne pourront pas s’oppposer à une embauche ponctuelle par un club de la Champion’s League. Ils pourront, par contre, se voir reverser une partie du salaire versé à leur joueur ainsi qu’une indemnité en cas de blessure de celui-ci.

Tous les contrats de mercenariats seront rendus publics une semaine avant chaque match et ne pourront, dès lors, plus être modifiés. Les sommes versées seront indiquées.

Partie du salaire et primes versées en fin de carrière.

Pour éviter que les joueurs, en majorité très jeunes, ne perdent la tête en touchant de grosses sommes ou ne soient victimes de pressions de la part de leur entourage, une partie de leur salaire et l’intégralité de leurs primes ne leur seront versées qu’en fin de carrière. À noter qu’ils ne pourront pas revenir sur leur décision d’arrêter.

Suppression des commentaires pendant les matches à la télé.

Enfin, et pour des raisons évidentes de santé publique, on interdira absolument tous commentaires télévisés pendant la retransmission des matches !

On les remplacera avantageusement par les dialogues de la Grande Vadrouille, du Corniaud ou de Rabbi Jacob, par un opéra de Wagner ou un concert de Mötörhead, voire par une interview des carpes du Château de Versailles.

Conclusion

Je ne doute pas que de telles mesures seront à même de rendre à nouveau ce sport attractif et passionnant. Avec comme conséquences, le remplissage des stades, le haut niveau d’audience des retransmissions, les ventes accrues des journaux spécialisés, journaux papiers ou en ligne, un rééquilibrage sportif, surtout, entre d’une part les clubs très riches et les autres.

Bien sûr, il y a sûrement quelques modifications mineures à apporter mais, tel quel, ce projet a de la gueule ! Je suis d’ailleurs prêt à me fournir en packs familiaux si jamais il devait voir le jour !

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