Je vous ai déjà parlé de Maître Mô, ce grand oiseau aux plumes de jade… Ben, je recommence !
D’abord il faut aller lire, lentement et complètement, cet ahurissant récit. Puis il faut y réfléchir et comprendre ce qui est l’essence de l’humanisme : le regard.
Les acteurs de ce drame, qu’ils soient bourreaux ou victimes, partagent un environnement commun : une vie de merde (une vraie !) qui se résume souvent en trois mots , violence, folie. Abandon, d’abord, physique autant que psychologique parce que bien souvent issus de parents immatures, en errance, emprisonnés ou simplement décédés. Violence, ensuite, parce que la solitude et le désarroi appelle les coups et ce dès le plus jeune âge. L’école, à cet égard est tout autant destructrice qu’elle peut être formatrice. Folie, enfin, parce que c’est le dernier recours avant l’abandon de soi et la violence d’un suicide ou d’un meurtre. La folie permet des entractes. C’est une forme ultime de survie.
Les acteurs de ce drame, je pourrais les croiser, je les croise peut-être. La nombreuse population de SDF et de précaires que compte l’agglomération parisienne est un vivier sans cesse renouvelé de fantômes en sursis. À l’instar de celles décrites par Maître Mô, les personnes qui se présentent à nous sont avant tout des personnes. Pas de préjugés, pas de certitudes, pas d’extrapolation.
Il ne s’agit pas non plus de séparer froidement l’avocat ou l’intervenant social de l’être humain qui est derrière : les tourments subis ou perpétrés par ces personnes nous touchent, nous émeuvent, nous horrifient, nous écœurent, au choix, mais n’occultent pas notre vision globale. Là où, souvent attisée, encouragée, poussée par des impératifs électoraux ou télévisuels, la vox populi hurlera : À mort !
, nous dirons simplement : Tentons de comprendre.
Avec cette différence essentielle : l’avocat ne doit pas, ne peut pas, ignorer les antécédents des gens qu’il est amené à défendre. L’avocat doit construire sa défense et ses recours en prenant justement en compte (et au plus près de l’intérêt de la personne) lesdits antécédents. L’avocat est peut-être lui-même un fou ?
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