Ce matin, je me suis promené au hasard dans Paris. Mais le hasard à Paris ne laisse rien au hasard. Après les Grands Boulevards, remontée sur le 17e puis le 18e que je traverse d’ouest en est pour me retrouver au pied de la butte Montmartre, là où j’ai passé ma prime enfance. Cette enfance dont j’ai tout oublié ou presque.
Et ce n’est pas ce qui reste de ce quartier qui va m’aider. Les rues sont toujours là et portent les mêmes noms. Mais les bâtiments ont changé. Les bistrots ont disparu (oui, il y avait des bistrots dans mon enfance). Ce n’est pas la première fois que je retourne dans ce quartier et à chaque fois je repars bredouille. Avec l’impression que le hasard me traîne jusque-là par jeu. Un jeu un tantinet sadique.
C’est bien là que ça se passe. Ou plutôt que ça s’est passé (rire sarcastique en supplément)… Voilà, c’est tout, bonne journée.
Frustrant. Mais logique.
J’en ferais quoi de toute façon de cette mémoire retrouvée si jamais le cas échoyait ? Je serais d’un coup encombré de souvenirs soudainement difficiles à porter. Certes ma vie ressemble à un courant d’air ajouré tendu de dentelles diaphanes mais je ne crois pas qu’y balancer une enclume sans prévenir soit une bonne solution. Je ne serais cependant pas contre quelques impacts de gravillons déchirant ça et là le fragile fil de soie.
Et puis j’écrirais quoi si j’avais de la mémoire ? Je radoterais ma vie en enjolivant plus que nécessaire les bons moments, en noircissant exagérement les mauvais, en passant sous silence certaines gênes, en me vantant à la première personne de ce que d’autres ont réellement vécu, me permettant de juger un tel, m’autorisant à aimer telle autre…
Finalement, je me préfère ainsi : je n’ai rien à dire alors je peux l’écrire.
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