En cinquante années de longs et boyaux services, c’est la première fois que je me livre à cet exercice… Tu trouveras bien par toi-même les raisons qui pourraient m’avoir incité à le faire. Les miennes, de toute façon, ne te satisferaient pas. En même temps, je ne vais pas me livrer à une introspection complète et documentée avec graphes en couleurs et schémas en 3D. Si tu me connais, tu n’apprendras pas grand’ chose. Si tu ne me connais pas, rien ne t’en donnera l’envie.
C’est bon, les lecteurs sont partis ? OK, la régie ! Tout le monde en place, on y va !
Cette année 2009 aura été pour moi une année chaotique mais aussi l’année du retour à une certaine « normalité » (ce mot, dans mon cas, ne signifiant rien d’autre qu’un provisoire repos psychologique).
Premier fait marquant : retour à la vie de salarié après deux ans sans emploi.
De quoi se rendre réellement compte que le travail, tel qu’il est désormais codifié, est une aberration tant libérale que sociale. La plupart des emplois d’aujourd’hui ne correspondent à rien d’autre qu’à de l’entropie consumériste. Le travail (quelque soit son appellation par ailleurs) n’est plus, ni un but, ni un moyen. C’est devenu un prétexte, un alibi. Et le travailleur-consommateur se retrouve « à l’insu de son plein gré » au centre d’un système qui ressemble de plus en plus névrotiquement aux fameuses compositions de Escher…
Le boulot que j’ai trouvé n’est pas si désagréable : je passe mes journées sur Internet à tenter de (dé)coder du PHP. Hormis le mal de crâne que j’obtiens à chaque fois que je tente de décrypter les arcanes de la programmation (donc tous les jours !), c’est un poste plutôt cool… mal payé mais cool. D’autant que je suis aussi censé maintenir en état de fonctionnement optimal une armée de PC sous Windows®… mais à l’impossible, nul n’est tenu !
Côté associatif, bilan mitigé et un brin schizophrène.
L’équipe que j’anime a rarement été aussi performante. Malheureusement l’objet de cette « performance » se déroulant dans un cadre humanitaire, cela suppose l’existence d’un besoin humanitaire. Ce qui n’est jamais, en soi, une bonne nouvelle.
Et puis ce pays est gouverné avec tellement d’intelligence et de compétences que ce besoin ne cesse de croître et de croître encore… Et nous nous retrouvons écartelés entre deux concepts antagonistes, un pied coincé dans la spirale ascendante de l’amélioration des conditions d’accueil et d’écoute que nécessite l’accroissement des populations en détresse sociale, l’autre pied prisonnier de la boue gluante du découragement face à la relative inutilité globale de nos efforts puisque ce ce que l’on (re)construit d’un côté est aussitôt détruit par les lois, les ordonnances, les décrets, les desiderata des imbéciles déguisé(e)s en ministres de ceci-cela.
Reste la satisfaction (bien réelle) des (trop rares) solutions durables mais toujours individuelles. De quoi illustrer ce joli ver d’Aragon superbement chanté par Georges Brassens : Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare.
Sur le plan personnel… ben justement, c’est personnel !
Je dirais bien deux ou trois mots sur l’état de la planète mais je crains de soudainement manquer d’humour…
Je ne suis pourtant pas écologiste, l’écologie étant pour moi incompatible avec toute présence humaine. Au mieux, les écologistes ne sont que des « environnementalistes ». Ils ne sont même souvent, en période d’élections, que des « paysagistes » !
Mais j’ai une faiblesse pour les grands arbres (il me semble t’en avoir déjà vaguement causé, ici ou là). Je crois que c’est ce que j’aurais aimé être (ou plutôt, aimé hêtre…) si on m’avait demandé mon avis. J’aurais grandi doucement près d’un étang calme parmi mes congénères feuillus, touffus et épineux. Nous aurions abrité des myriades d’oiseaux, d’écureuils et de chats sauvages. Nous aurions fait chanter les forêts aux bruissements de nos ramures. Nous n’aurions jamais envisagé le ciel comme un défi. Nous serions morts debouts. Tous ces malentendus pour juste un peu de «h »…
Ce soir et cette nuit je serais dehors. En compagnie de trois autres bénévoles, nous déambulerons dans Paris pour tenter d’apporter un peu d’humanité à ceux qui dorment sur les trottoirs ou sur les bancs. Rien à voir évidemment avec cette abominable fête commerciale du 24 décembre puisque l’on fait ça toute l’année, été comme hiver. Mais dans l’esprit des gens que l’on va croiser (SDFs ou fêtards), cette évidence ne sautera pas aux yeux, bien au contraire… Ce qui nous donnera encore l’occasion de vivre des scènes hallucinantes de bêtise ou de poésie, selon les cas !
Et non, je ne t’en raconterais aucune… tu n’as qu’à venir !
Passe quand même de bonne fêtes.
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