Certaines des histoires humaines qui alimentent le flux continu d’informations, flux caractéristique de notre civilisation de l’urgence, semblent comme en apesanteur. Non soumises aux dictats du « time is money », ce prédateur de mémoires, elles investissent la moindre molécule de ton cerveau, t’arrachant des larmes comme on arrache, en vol, les ailes d’un papillon, pour te plonger ensuite dans une extase ambiguë qui tient à la fois du soulagement de n’être que le lecteur de cette histoire et de la jouissance d’en être le lecteur.
Bien sûr, ces histoires ne sont pas anthropomorphes et ne s’insinuent pas en vous avec leurs seules petites pattes, cherchant fébrilement un support comme une main d’alpiniste qui explore la roche en espérant une faille, un python… non, ces histoires se déplacent sur des plumes. De grandes et belles plumes que de majestueux oiseaux offrent à leurs quête d’asile.
Je ne raconterais évidemment rien de cette histoire, je ne suis pas un grand oiseau. Tu trouveras le lien en bas de cet article.
Je veux juste, ici, te parler du grand oiseau à la plume de jade, celui grâce auquel quiconque, après avoir pris connaissance de l’histoire de Jade, saura qu’il existe, quelque part, une humanité intacte que rien n’entamera.
Il n’est pas facile d’être juge et partie. Encore moins d’être juge et partie civile ! Il faut une distinction. Maître Mô est avocat. C’est aussi un grand oiseau. Maître Mô est en fait orpailleur clandestin. Armé de son tamis (un modèle assez curieux, très épais, à couverture rouge…) et de ses plumes gigantesques, il fouille les fins ruisseaux où se terrent les âmes, il drague les fleuves rougis de honte et de mépris, il écume pierre après pierre les frustrations et les emportements, il guette le moindre éclat qu’il ramène doucement à la surface. Puis, quand il a son content d’éclats, il fabrique des arcs-en-ciel.
Source : L’histoire de Jade
▣