Pour trois raisons : raison technique, raisons politique et raison, euh… raisonnable.
Raison technique
Si tu as un peu suivi mes dernières aventures, tu as pu constater que j’ai récemment déménagé et que je suis désormais sans domicile stable. Ma carte d’électeur est donc toujours à l’ancienne adresse. Pour m’y rendre, une seule solution, le train. Problème, le dimanche, pas de train… ou presque. Le premier est à 12h38 (!!!) et vu que le bureau de vote est séparé de la gare par une trentaine de kilomètres campagnards (par monts et par vaux, sans troquets ni bistrots), j’aurais dû faire appel à des potes sur place pour m’emmener et me ramener et donc leur écourter le déjeuner dominical et peut-être familial. Je reste donc sur Paris.
Raison politique>
La liste des candidates et candidats en lice ne chatouille pas suffisamment ma conscience de citoyen pour me contraindre à passer ma journée dans le train.
La liste :
- un taré conspirationniste ;
- une fille de son père, plus intégralement cathodique mais pas moins intégristement catholique ;
- un Nicolas 2 en plus petit et en plus geignant ;
- un sortant à sortir ;
- un mou du centre, d’une indéfectible lâcheté, qui ne vient que pour la photo et les subsides à grappiller ;
- un mou du ventre qui ne voit pas qu’il n’est que l’ombre de la main du chien de Mitterrand ;
- un bourgeois déjanté et fort en gueule, maquillé en diva révolutionnaire ;
- un inoffensif et sympathique prolétaire ;
- une sorcière trotskyste toute de haine et de méchanceté ;
- une ex-juge, future bouc émissaire de la débâcle écologiste pour qui j’aurais cependant voté si j’avais eu un train plus tôt.
Impressionnant, non ?
C’est peu dire que je ne retrouve rien de mes idées dans cette abominable foire aux monstres. Certes, mes idées sont bizarres, voire très bizarres.
Alors, bien sûr, on va me dire qu’il faut empêcher Le Pen d’être au deuxième tour (j’adore la démocratie sous conditions…), qu’il faut bouter Sarkozy le plus loin possible d’une planète habitable (là, je suis d’accord), qu’il est temps que la gauche caviar (« gauche caviar » ça sonne un peu comme « grippe aviaire », non ?) reprenne du poil de la bête, que la gauche de la gauche, celle qui gît depuis si longtemps à gauche, au fond du couloir, est enfin prête pour son grand caca du Grand Soir, que voter est un devoir, que l’abstentionnisme favorise les extrêmes, que nos ancêtres se sont battus pour obtenir ce droit, que même les femmes sont désormais autorisées à voter différemment de leur mari — ne rigolez pas, en France, ça fait moins d’un siècle — que c’est peut-être la dernière avant la fin du monde, qu’il faut bien élire quelqu’un (ha ? et la Belgique alors ? t’en fais quoi de la Belgique et de son fabuleux record du monde ?), que si personne ne va voter, ben les journalistes de la télé auront l’air de pauvres chiens abandonnés sur l’autoroute de l’information, etc.
On va m’en dire des choses ! Ça ne changera pas grand chose à l’absence de train voire d’entrain.
Raison raisonnable
Et si il était plus raisonnable aujourd’hui — et au-delà de la faiblesse politique des candidatures — de ne pas voter pour exprimer justement l’envie d’une démocratie renouvelée ? L’ami emilpoe ne me contredira pas là-dessus.
Moins sportive, elle ne ressemblerait pas à une course d’obstacles dans laquelle ne s’affrontent finalement que des cabotins sur-entraînés et sur-vitaminés, champions du « yaka-fokon » pendant la compétition puis inexistants — voire dangereux — une fois élus. Plus moderne, elle serait à la fois au cœur et autour de toutes les activités de la société et s’en nourrirait autant qu’elle en serait nourricière.
La démocratie, de mon point de vue, c’est tous les jours, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec et pour tout le monde, sans exception. Je vous ai déjà fait part de quelques réflexions sur la liberté de vote (qui est aussi la liberté de ne pas voter). Réflexions que je concluais ainsi :
« Je ne cracherais jamais sur le droit de vote parce que certaines personnes n’ont que ça pour exprimer leur colère, leurs doutes, leur bêtise aussi, soyons clairs. Mais je ne cautionnerais jamais « le vote à tout prix ». Le vote doit être la fleur du jardin démocratique pas son engrais. Il est le résultat d’une concertation pas le début d’une négociation. Il conclut un processus, il ne l’initie pas. »
Je ne change rien. Juste, aujourd’hui, je ne vote pas.
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