Le cinéma est-il un art ?

Ce billet fait suite à cet article de Maïa.

Ne tournons pas autour du pot (ni du Potemkine), si je pose ainsi la question, c’est que je réponds : Non, le cinéma n’est pas un art. Mais déjà, quelques remarques préliminaires s’imposent.

Il est évident (mais ça ne coûte rien de le rappeler) que tout ce qui s’écrira là-dessous n’implique que ma vision des choses. Que d’autres considèrent le cinéma comme un art, grand bien leur fasse. Mais je m’en contre-fous… Je ne suis pas pour suivre les académismes benoîtement et peu m’importe que X ou Y pensent ceci ou cela. J’ai ma propre et singulière (euphémisme inside) vision du réel et mon imaginaire explique en partie ma misanthropie et mon goût de la solitude. Les canons, qu’ils soient normatifs ou militaires, je les emmerde !

Bien, vous êtes moins nombreux à continuer de lire (au secours, encore un fou !)… je vais pouvoir m’étaler un peu.

Le cinéma n’est pas un art, c’est une technique. Ceci dit sans rien de péjoratif, au contraire. Le cinéma regorge d’excellents techniciens et parmi eux certainement quelques artistes.

Je ne vais pas me lancer dans un méticuleux démontage des procédés de fabrication du cinéma d’abord parce que je ne les maîtrise pas, ensuite parce que mon propos ne vise que l’émotion du spectacle cinématographique pas son excellence mécanique. J’ai arrêté d’aller au cinéma il y a plus de dix ans (un peu avant d’avoir jeté ma télévision) et je ne regarde même pas de vidéos sur PC.

Le cinéma m’emmerde dans son manque d’imagination, dans ses délires mégalomanes, dans ses personnages égotistes, veules et vains, dans son cynisme de banquier malhonnête (par contre, j’aime les pléonasmes), dans tout ce qu’il n’a pas su ou pas voulu exprimer de la folie collective du troupeau humain alors que c’était là sa vocation première de par justement sa technicité. Et bien qu’il y a de grandes et belles « œuvres ». Mais dans le sens d’« ouvrages ».

L’art est ce qui reste quand une civilisation a disparu.

Le cinéma, comme la télévision, la radio ou Internet, est une technique de communication propre à la civilisation technologique dans laquelle nous nous égayons (il y a quand même quelques bons côtés et notamment Internet…).

Lorsque notre civilisation disparaîtra car elle disparaitra forcément (comme aurait pu dire Marguerite Yourcenar, grande technicienne de l’écriture), ses techniques de communication disparaîtront avec elle.

Peut-être irais-je jusqu’à admettre que les techniques de communication peuvent diffuser, transmettre propager, mettre en lumière un art… pas trop à me forcer non plus pour l’admettre puisque je le pense totalement. Il y a de l’art, parfois, dans le cinéma mais le cinéma en tant que vecteur n’est pas un art. Il y a de l’art dans le design d’une Ferrari mais l’automobile n’est pas un art.

De l’érotisme au cinéma

Ce qui était quand même le sujet principal de l’article de Maïa… Puisque nous sommes d’accord (non ? z’êtes sûrs ?) pour dire que le cinéma n’est qu’un vecteur, on peut du coup s’interroger sur la qualité de ce qu’il transmet. On ne voyage pas en Rolls comme en deudeuche.

L’érotisme (art de la séduction) étant un but et non un moyen (ce qui, j’aurais dû le préciser plus avant, fonde pour moi la différence entre un art et une technique), sa présence au cinéma ne peut être qu’embryonnaire et réduit à son placebo social : qui baise qui et comment !
À ce jeu, bien sûr, l’image de la femme n’est ni plus ni moins la même que celle des autres vecteurs de fantasmagories cheap : séries noires, publicités, contes de fées, télé-réalité, télé tout court… chacun alimente l’autre de ses scories…

Si le but est de se plaindre de cette image, je suis d’accord, et je signe tout texte en ce sens (j’ose me déclarer féministe). Il m’a juste semblé vain d’exiger d’une technique de communication qu’elle dise autre chose que ce pourquoi elle a été conçue. Et la technique cinématographique est d’abord un divertissement, un jeu, un loisir… puis un commerce, une industrie, un gaspillage.

L’érotisme au cinéma est donc rarement autre chose que du sexe de frustration (qui peut parfaitement être beau techniquement parlant, cf L’Empire Des Sens…). Le cinéma ne véhicule que des valeurs déjà bien établies y compris lorsqu’il prétend les combattre : Le Parrain ou Apocalypse Now m’ont semblé plus proches de l’apologie que de la dénonciation. Et en matière de sexe, les valeurs établies (toutes issues directement de contraintes religieuses) sont la domination du mâle et la perversité de la femelle, rôles qui peuvent indifféremment être tenus par des hommes comme par des femmes. Il s’agit ici de concepts moraux, de formatage social. Au cinéma, une femme forte sera maculinisée (selon les canons masculins du moment), un homme doux sera féminisé.

Vous allez certainement (si vous êtes arrivés jusqu’ici !) me jeter des cailloux mais tout aussi vraisemblablement me livrer une liste de « chefs d’œuvre » qui ne seront, au mieux, que des exceptions dues au hasard, ce hasard qui est juste la vie dans tous ses aspects.

Alors, l’art est peut-être ce besoin de figer le hasard. Mais certainement pas la faculté de le reproduire.

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