Les grandes villes ne se construisent pas que sur leur habileté à produire du monument ou de la poésie. Elles s’enracinent toujours un peu plus profondément dans l’inconscient collectif à chaque drame majeur. Et celui de ce soir va marquer. Durablement.
Des drames majeurs, cette ville en a déjà connu des dizaines. Elle en a aussi perpétré, soyons honnête. La violence radicale est une composante de l’histoire de Paris. Violence subie ou assénée. Ouvre n’importe quel livre d’histoire, la liste est longue. C’est vrai qu’entre deux drames, la vie ici est relativement douce. Alors on oublie. Ou plutôt, on met de côté. On se réinsère dans le rythme de la ville. Il y a bien des plaques commémoratives un peu partout mais on ne les lit plus. Il y a les parcs. Les bistrots. Il y a les rues du centre. Les quartiers loin du centre. Il y a la Seine. Qui pleure en silence depuis si longtemps. Qui récupère les larmes des veuves et des poètes pour, discrètement, les mêler aux siennes.
Qu’est-ce que l’inconscient collectif va nous fabriquer cette fois ? En dehors des inévitables rancunes agressives qui prôneront des violences au moins aussi sauvages sinon plus. Que va-t-il rester de ce quartier déjà lourdement tributaire au début de cette année ? Impossible à dire. La ville va s’en tirer, comme d’habitude. Le sang sèche vite. Les visages inconnus se dissipent à peine imaginés. Les murs, peut-être, garderont des séquelles. Qui seront cachées sous des plaques commémoratives. Des fleurs. Au moins les premières années.
Paris vient d’uploader son auréole. Au détriment de ses habitants. Mais c’est ainsi que les villes vivent. Et leurs brasiers, au loin, les suivent…
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