Juste une étincelle

Pour commencer, il est amusant de noter que l’étincelle est celle qui allume… et non celle qui éteint ! La suite va être beaucoup moins drôle puisque je vais te parler de la révolution qui vient et qui n’attend plus, justement, qu’une étincelle…

Rassure-toi, je ne suis pas devin et je ne lis pas l’avenir dans les fraîches entrailles d’un quelconque député. Je ne te donnerai ni l’heure ni le lieu de départ de cette folle festivité, non plus que son programme détaillé. Par contre, mes signaux internes me font dire qu’un truc énorme, en gestation depuis près d’un siècle, est en train d’arriver à maturité.

La situation actuelle de la planète, pour alarmante qu’elle soit, n’est qu’une conséquence. Conséquence de l’égoïsme (et pas seulement celui des nantis), conséquence de l’indifférence, conséquence de l’avidité, conséquence enfin de l’incompétence notoire et répétée des politiciens qui nous emmerdent depuis 1918 ! Une conséquence, donc une fin. Fin d’une civilisation matérialiste, fin d’une civilisation de l’objet.

Aujourd’hui, tout est objet. Les objets comme les sujets. Le sujet qui réalise l’objet (le travailleur) est devenu l’objet dépendant du sujet qui utilise l’objet (le consommateur). Le sujet utilisateur (lui-même objet réalisateur) est devenu l’objet dépendant du sujet décideur (le politicien, le banquier), lui-même devenu l’objet du sujet électeur (le travailleur, le consommateur et le décideur). Dans un parcours de vie contemporain, et bien qu’un même sujet puisse être exclusivement, alternativement ou concomitamment, sujet réalisateur, sujet utilisateur et/ou sujet décideur, un sujet n’est finalement qu’un objet dont la valeur marchande dépend fortement des fonctionnalités dont il est pourvu, fonctionnalités implantées par et pour une société qui aura consumérisé jusqu’à sa fin : car la révolution est aussi un business !

Constat : l’américanisation du monde est un échec.

Par américanisation du monde, il faut comprendre la fabrication d’une société strictement pyramidale à la gloire de l’éphémère par le biais de l’auto-anthropophagie et dans laquelle :

  • l’être humain est un produit comme un autre ;
  • la technologie, de libératrice, est devenue coercitive ;
  • les valeurs d’échange sont devenues des valeurs de stock ;
  • l’essence est l’absence de sens.

L’américanisation du monde est un échec mais c’est pourtant en grande partie sur cette plateforme qu’il va falloir reconstruire l’après-révolution, tout simplement parce qu’elle est la plateforme la plus récente donc la plus susceptible d’être revue et corrigée. Il ne s’agit pas de faire table rase et de reconduire les erreurs qui ont transformé les révolutions du passé en monstrueux repoussoirs totalitaristes.

Il y a malheureusement de fortes chances (ou de gros risques…) pour que les débuts de cette révolution produisent plus d’hémoglobine qu’il n’en sera nécessaire pour que se repaissent l’intégralité des moustiques et sangsues de la planète… Les « printemps arabes », pour nécessaires qu’ils sont, le montrent assez bien : la colère appelle la violence qui appelle le sang qui appelle la vengeance qui appelle la colère, etc. Et ce n’est pas la compensation non violente des « indignés » qui permettra d’équilibrer le rapport de forces. La révolution, au moins dans sa phase initiale, sera terriblement et aveuglément violente. Comme un formidable et gigantesque défouloir. Comme pour se soulager de 5000 ans (à quelques jours près) d’incarcération.

À l’issue des inévitables drames humains qu’elle engendrera, la révolution se posera surtout cette incontournable question : Et maintenant, on fait quoi ?

Peut-être arrêterons-nous de nous comporter comme des chiens : pucés, élevés, éduqués pour devenir ceci ou cela en fonction de notre pedigree ou du besoin de nos maîtres ! Chiens de chasse, chiens de berger, chiens policiers ou chiens de compagnie… Nous en finirons alors avec le cynologisme et nous pourrons — après un bref passage cynozophrénique — envisager un retour au cynisme original de Diogène et de son tonneau.

Le tonneau est là, il est rempli de poudre… Ne manque plus qu’une étincelle.

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