La retraite à mille temps

(elle a mis le temps mais elle est enfin là)

C’est fait !

Nouvelle et avant-dernière étape franchie : je suis officiellement vieux ! D’accord, cela ne mérite pas vraiment de médaille ou d’éloge mais reconnais que ce n’est pas donné à n’importe qui. Il suffit de suivre, même de loin, ce qui se passe dans le vaste monde pour se convaincre, sinon de l’exploit, au moins de l’endurance et de la résilience nécessaires pour arriver jusque-là.

Car.

Vieillir est une épreuve de longue haleine, une épreuve hybride entre le marathon et le lancer de poids dont le but est d’aller le plus loin possible tout en se débarrassant plus ou moins discrètement des nombreux fardeaux amassés en cours de route.

Vieillir est aussi une forme d’injustice eu égard aux nombreux enfants qui n’atteindront jamais l’âge minimum requis pour lire ce texte.

Vieillir, surtout, c’est le vrai sens de la vie. Un sens tout autant unidirectionnel — aller d’un point A à un point Z — que philosophique. Pourquoi cet aller-simple sans possibilité d’échange ou de remboursement ? Comment être ou ne pas être correctement accompagné·e ? Quels bagages emmener ? L’animal qui est en nous doit-il porter une muselière ? Où est le wagon bar, please ?

Vieillir est un peu la contraction de « vivre et ne pas faillir ». Une sorte de « fluctuat nec mergitur » à l’échelle biologique…

Même si c’est un réel soulagement de l’atteindre, la vieillesse est tout sauf une récompense. Elle est d’ailleurs souvent ressentie et jugée comme une punition, une servitude, une contrainte. Alors qu’elle n’est qu’une étape supplémentaire. C’est d’abord une unité de temps avant d’être un état physiologique. Ce n’est, finalement, qu’un banal marqueur de longévité et comme tout marqueur, ça ne dit rien (ou pas grand chose) de la complexité du cheminement. Un peu comme ces bornes kilométriques sur le bord de la route qui te disent où tu en es de ton voyage mais qui sont inaptes à te l’expliquer.

Pour rappel, ce cheminement — parfois appelé : parcours existentiel, ou, plus simplement : vie — se compose de cinq étapes principales, toutes ordonnées et validées chacune par un certificat.

  1. le certificat de naissance
  2. le certificat d’études
  3. le certificat professionnel
  4. le certificat de vieillesse
  5. le certificat de décès

Tu noteras immédiatement que les certificats n° 1 et n° 5 ne sont pas de ta responsabilité directe bien qu’ils sont tous les deux indispensables pour valider l’intégralité de ton parcours. De fait, ces certificats sont indépendants de ta volonté et ne font que démarrer puis terminer une séquence. Ils sont les deux états d’un interrupteur : ouvert et fermé. Ils sont, en quelque sorte, des certificats de constatation. Le premier constate ton arrivée au bar, le deuxième prépare ta mise en bière…

Les autres certificats sont des certificats d’aptitude et sont intrinsèquement reliés à ta personnalité tout en étant conditionnés à ton environnement. Avec toutefois une légère nuance pour les différencier.

Le certificat d’études est délivré en fin d’études, quelle qu’en soit la durée et le contenu. Le certificat de vieillesse est lui attribué dès ton premier jour dans cet état, à charge pour toi de le remplir comme tu le veux (ou comme tu le peux). Le certificat professionnel est lui un peu particulier puisqu’il combine les modes de distribution des deux premiers tout en étant continuellement, soit sous la menace d’une rétention, soit sujet à une transformation qualitative, sans que cette rétention ou cette transformation ne soit ni définitive, ni réversible. Un vrai bordel qui explique en partie la difficulté pour obtenir un certificat de vieillesse.

Pour résumer : personne ne demande à naître, la plupart des gens ne souhaitent pas décéder et, entre les deux, tout le monde doit toujours prouver quelque chose à quelqu’un.

J’oublie volontairement les certificats annexes comme le certificat de baptême, le certificat de mariage, le certificat d’authenticité, le certificat officiel de certification ou le certificat d’obtention de l’autorisation du permis de capacité de conduire tout type de véhicule plus ou moins automobile sur terre, sur mer ou dans les airs. D’une part, ces certificats ne sont pas universels, d’autre part, une société réellement progressiste tendrait plutôt à les faire disparaître. Mais c’est un autre sujet.

Or donc, voilà que je viens de valider la quatrième étape de mon parcours existentiel. Du coup, je me permets d’en détailler ci-après certaines des circonstances et des conséquences qui, parce qu’elles sont examinées avec suffisamment de recul et d’honnêteté, peuvent déjà constituer le bilan d’une vie. Le bilan ni bon, ni mauvais d’un parcours ni à faire, ni à refaire. Mais plus le parcours est hasardeux et chaotique, plus le bilan est nécessaire. Histoire de continuer le travail de libération. Car le marathon n’est pas fini — loin de là ! — et il reste quelques poids dont il conviendra de se délester avec, si possible, l’élégance du pachyderme ivre mort dans l’atelier d’un souffleur de verre.

Bien.

Il est temps d’examiner soigneusement chacun de ces certificats.

1. Le certificat de naissance

Ce certificat permet surtout de lancer la grande aventure et de partir à la chasse aux certificats suivants. Les échecs ne sont pas rares et même en cas de succès il n’offre pas de garantie pour la suite.

Ce certificat est livré tel quel. Sans aucune certification. Avec son lot disparate de qualités et de défauts qui seront tes seules armes tout au long du parcours. Des qualités et des défauts en nombre inconnu, tant au départ qu’à l’arrivée. Tu en découvriras la plupart par hasard et les conditions de leur révélation seront de fiabilité douteuse. Quant à leurs effets, ils seront aléatoires et parfois inversement proportionnels à leur utilisation, surtout si celle-ci est soit préméditée, soit trop souvent répétée.

Tous les pièges, toutes les embuscades, tous les guet-apens, toutes les trappes qui te feront chuter te sont livré·es en vrac avec ce certificat. Tu en esquiveras certain·es parmi les plus évident·es. Ce sera pour mieux te prendre, un peu plus loin, les deux pieds dans un tapis volant. Tu manqueras parfois de périr, d’autre fois, de simplement dépérir. Tu te relèveras en boîtant pour mieux déguerpir avant de trébucher encore et encore, incapable que tu es de faire la différence entre une réponse et une question.

Il y a bien une annonce sur la ligne de départ : « Tout commence par hasard, se poursuit par erreur et se termine par ennui. » Mais tu ne sais pas encore lire.

Mon certificat de naissance m’a été attribué dans le 14e arrondissement parisien. Je n’avais pas spécialement révisé aussi je n’en tire aucune fierté bien que naître à Paris est une forme de privilège.

Ce certificat étant délivré très tôt, je n’en garde évidemment aucun souvenir. Juste quelques séquelles indicibles. Une impression générale d’inachevé, de manque. Comme si une partie de mon être — ou de mon esprit — n’avait pas pu ou pas voulu suivre. Un jour, peut-être, je te raconterai précisément les possibles scénarios de ce que je considère comme mon tout premier faux pas. Mais ce n’est pas le sujet de ce texte-ci.

J’ai fini par accepter cette étrange situation qui m’a longtemps empêché de dormir sereinement, m’occasionnant jusqu’à très récemment des cauchemars carabinés dont une partie s’est mystérieusement glissée dans ce texte-là.

J’ai bien encore quelques flashes indescriptibles et chaotiques comme des molécules de puzzle partiellement dégradées mais, aujourd’hui, je n’ai plus envie d’avoir le fin mot de cette histoire. D’autant qu’il n’y a peut-être pas d’histoire. Et cette perspective serait bien sûr la pire puisqu’il me faudrait alors chercher ailleurs — mais où ? — l’origine de mon sale caractère.

Et c’est malheureusement ce sale caractère — caractère de cochon, caractère de merde, caractère à terre, caractère sans terre où s’enterrent les cratères du crétacé, caractère en manque de caractère, caractère typographique, plus typo que graphique — c’est donc ce sale caractère qui va devoir se dépatouiller avec les certificats suivants.

2. Le certificat d’études

La course à ce certificat s’enclenche dès que quelqu’un essaie de t’enseigner quelque chose. Soit pour ton bien, soit pour sa tranquillité.

Des premières onomatopées bébéesques dont on te gave les oreilles jusqu’aux dernières épreuves ubuesques d’une scolarité aux arabesques plus ou moins scintillantes, ce certificat est censé te doter d’une armure de protection. Rassure-toi : la réalité se chargera assez vite de fracasser cette armure. Et tant pis pour toi si tu avais fait de cette armure une carapace.

Ce certificat possède plusieurs noms selon le niveau et l’âge auxquels tu le décroches : brevet, baccalauréat, doctorat, etc. Il est même suffisamment sournois pour sanctionner de son sceau tes éventuels refus de scolarité. L’absence de diplôme est aussi une forme de diplôme, que ton école soit publique, privée, préparatoire ou de la rue puisque tout est apprentissage. Mais peu importe son appellation et ses à-côtés rudes ou pailletés. Son but est de saboter les talents bruts dont sont naturellement constitués les enfants et qui ne correspondent pas aux critères marchands du moment.

Tu ne dois pas rêver, tu dois écouter.
Tu ne dois pas chanter, tu dois réciter.
Tu ne dois pas jouer, tu dois faire du sport.
Tu ne dois pas dessiner, tu dois compter.
Tu ne dois pas écrire, tu dois rédiger.

Du coup, je ne sais ni dessiner, ni jouer, ni chanter. Par bonheur, je rêve encore de prochaines écritures…

Avec le recul, ce certificat s’avère le moins simple à obtenir car il dépend de facteurs internes et externes parfois antagonistes mais tous fondés sur une inégalité structurelle tant sociale que physiologique.

Parmi les facteurs internes on trouvera les capacités cognitives, les techniques de mémorisation ou l’aptitude à se concentrer et à se motiver.

Parmi les facteurs externes, on notera surtout la présence d’un entourage bienveillant ou toxique, tant familial que scolaire, tant humain que matériel.

Cerise sur le gâteau (ou, plus exactement, noix de coco sur la Chantilly), ces facteurs, internes ou externes, sont à l’œuvre dans la période la plus compliquée de ton histoire personnelle puisque tu es en pleine croissance physique, intellectuelle, sociale et émotionnelle. Un physique sans cesse soumis aux regards, aux reproches, aux refus. Un intellect partagé entre la curiosité et l’incompréhension. Une situation sociale qui t’apprend l’injustice et la révolte. Des émotions qui te transforment en iceberg contre lequel viennent se venger tous les Titanic de ce monde…

L’aventure avait pourtant bien commencé. Bien qu’intimidé par le cadre solennelle de la « grande école », j’étais souvent parmi les meilleurs et ma boîte à bons points débordait de ces récompenses superficielles surtout destinées à provoquer, chez ceux qui en avaient moins ou n’en avaient pas du tout, la découverte de la frustration, ce ressentiment contraire à l’harmonie sociale, futur expert en jalousie, colère, triche, violence…

Les choses se sont gâtées quand je me suis rendu compte que mes bons résultats étaient utilisés comme point de comparaison pour rabaisser d’autres enfants. Je subissais leur dédain et leur éloignement alors que j’aspirais tant à m’en faire des compagnons de jeux.

Seule solution : des résultats au moins aussi mauvais — voire pire — que les autres ! Solution simple à mettre en œuvre mais peu efficace quant aux résultats. C’est ainsi que je suis passé de bon élève isolé à cancre solitaire.

Au bout du compte, je ne m’en sors pas trop mal. J’ai décroché un peu par hasard un certificat qui ne sert à rien. Ce qui présente un double avantage. Il n’est ni encombrant, ni coercitif. Si peu encombrant que j’ai pu facilement oublier tout ce que j’avais dû ingurgiter pour l’obtenir. Si peu coercitif qu’aucune porte ne s’est jamais ne serait-ce qu’entrouverte sur la seule présentation d’icelui.

Des années perdues ? Oui. Clairement. Mais comme il est impossible de revenir en arrière pour changer quoi que ce soit, on passe un coup d’effaceur et on continue d’avancer.

3. Le certificat professionnel

Ce certificat est essentiellement destiné à faire échouer les candidats au certificat suivant en les tuant, littéralement, à la tâche. Évidemment, cette tuerie de masse se fait sous couvert de progrès social, d’épanouissement personnel, d’aménagement de territoires, de contraintes internationales, de ceci-cela et de nananère…

Globalement, il y a deux catégories de personnes concernées par ce certificat :

D’une part, les personnes qui travaillent réellement. Elles sont les plus nombreuses. Les plus dociles aussi parce que le plus souvent les moins vindicatives. Pas forcément les moins compétentes ou les moins performantes. Juste, la plupart du temps, les moins favorisées par les facteurs externes du certificat précédent.

D’autre part, celles et ceux qui profitent du travail effectué. Principalement, les banquiers et les politiciens et tous les imposteurs qui agissent comme tels sous prétexte d’un nom, d’un diplôme ou d’une situation sociale. Tous hommes d’argent et de pouvoir. Peu importe leur âge, leur sexe, leur nuance épidermique, ce qui les rassemble est la toxicité maladive et l’emprise féroce qu’ils sont capables d’exercer sur leurs prochain·es.

Pour ma part, je me suis toujours méfié et j’ai toujours fait en sorte de ne pas croiser leurs chemins. Et quand il m’arrivait d’être la cible d’un de leurs nombreux pièges, j’ai toujours su faire machine arrière, fidèle à ma fière devise :

« Plutôt un travail de merde avec des gens bien que l’inverse. »

Du coup, mes années professionnelles ne m’ont pas enrichi — bien au contraire — mais j’ai rencontré pléthore de gens biens. Cetain·es sont parti·es, d’autres ont disparu mais leur souvenir et ce qu’ils m’ont apporté n’est pas près de s’évanouir.

Mon antipathie viscérale pour toute forme d’imposture hiérarchique a fait que je n’ai jamais exercé de métier au sens le plus noble de ce terme. Par contre j’ai fait des tonnes de petits boulots : des boulots d’étudiants, des boulots intérimaires, des boulots stupides, des boulots éreintants, des boulots éphémères… Le tout ponctué ça et là de périodes plus ou moins longues partagées entre chômage vite épuisé et farniente bien reposant. De fait, j’ai toujours vécu avec des ressources peu conséquentes et j’ai vite acquis une absence de dépendance au confort et aux paillettes. Ce qui m’a permis de rester vigilant sur certaines offres plus proches du retour à l’esclavage que du respect même partiel du Code du Travail.

Au bout du compte, ce n’est certainement pas le certificat dont je suis le plus satisfait ou le plus fier. Mais il fallait bien s’occuper entre hier et demain.

À noter que ce certificat possède un « cheat code » : le certificat d’inaptitude au travail. Cependant, celui-ci peut s’avérer plus redoutable encore et parfois totalement contre-profuctif. Je n’ai jamais songé à m’en servir car je n’aime pas tricher. Au point que je n’ai même pas cherché à échapper à mon année de service militaire, ce royaume absolu de l’imposture hiérarchique.

Avec le recul — et la certitude de ne pas pouvoir en vérifier l’effet — je me dis que j’aurais dû le tenter. Ça n’aurait sûrement pas changé grand chose à ma condition mais ça m’aurait peut-être ouvert d’autres portes, dans d’autres lieux. Mais j’aurais aussi rencontré des personnes différentes et ça aurait été dommage de ne pas croiser celles qui ont envahi ma mémoire et que je ne saurai jamais assez remercier parce que mon sale caractère est un sale type qui ne sait toujours pas se comporter.

4. Le certificat de vieillesse

Pas de grandes difficultés pour celui-ci puisqu’il suffit d’être patient même s’il faut encore se taper quelques documents administratifs allant de l’incompréhensible à l’ésotérique.

Le plus difficile finalement, alors que tu l’as déjà imaginé cent fois, est de trouver à occuper ce nouvel espace de liberté.

Une fois que tu as cumulé tous ces certificats, il en résulte une sorte de cohérence. Pas nécessairement une harmonie. Encore moins une lumineuse révélation sur le sens caché de tout ce cirque. Juste une cohérence. Une élucidation presque complète de certains pourquoi. Une trame suffisamment serrée pour commencer à formuler quelques rassurants « Ha ! C’était donc ça… » à défaut d’avoir accumulé de véritables révélations.

Ton récit est quasiment complet. Tu possèdes un début toujours aussi flou mais définitivement entériné, tu t’avances vers une fin inéluctable qui peut encore révéler son lot de surprises. Entre les deux, toi. Tes doutes, tes envies, tes peines, tes frustrations, tes joies, tes délires, tes échecs. Les traces que tu laisses. Si tu en laisses. Aussi infimes soient-elles.

J’ai souvent utilisé cette image dans d’autres textes pour symboliser ce qu’est notre vie : nous sommes des funambules ivres sur un filin en flammes. On ne peut pas reculer. Mais on peut tomber. Et on tombera. Inévitablement. Parfois on se relèvera. Plus ou moins abîmé. Pas forcément plus fort, contrairement à ce qu’en dit l’ami Nietszche. Mais on continuera d’avancer parce qu’on ne sait vraiment faire que ça. Que ce soit sur une longue plage de sable fin caressée par la brise ensoleillée d’un printemps tropical. Que ce soit face à un mur de béton armé surplombé d’un fil barbelé inondé de curare. Que ce soit au bord de la falaise, au bord du gouffre, tout proche de la gueule du loup, du renard ou de la belette. Que ce soit reclus au fond d’une grotte comme un ermite asocial pourtant désireux de connaître le monde au dehors. On avancera. On se traînera, on patinera, on dansera. On avancera. On courra, on rampera, on piétinera. On avancera.

Et c’est ainsi qu’il faut comprendre le certificat de vieillesse : profite ! Même — et surtout ! — sans objectif. Fini de courir après la performance. Fini de rendre des comptes. Fini de faire n’importe quoi sans réfléchir, sans savoir ni pour quoi, ni pour qui. La voie est libre. Enfin libre. Profite ! Même si tu n’as pas toute ta tête. Toutes tes jambes. Toutes tes dents. Profite.

Pour ma part, et parce que je l’avais un peu anticipé, j’ai prévu quelques idées pour m’occuper librement. À commencer par Mia. Petite féline adorable mais chronophage qui devrait me tenir compagnie pendant encore douze ou quinze ans. À continuer par l’amélioration continuelle bien qu’accidentelle de mes « compositions » guitaristiques. Mes vieux doigts ne sont pas toujours d’accord et refusent de se plier aux exigences académiques et se trompent souvent de corde. Pas grave, je ne cherche pas à être concertiste, ni même à jouer au guitariste pour feu de camp. Juste me vider la tête et remplacer des mots indicibles par des maux d’au moins un décibel.

Autre occupation prévue mais plus aléatoire : tenter de faire, au moins une fois par mois, un voyage d’une journée dans une ville historique autre que Paris. Il paraît qu’il y en a plein… Condition sine qua non : cette ville doit être accessible en train pour pas trop cher. Après plusieurs heures de prise de tête sur l’immonde salmigondis qui sert de site web à la SNCF, j’ai enfin réussi à m’abonner à la « carte vieux ». Il faut désormais la rentabiliser.

Un voyage d’une journée permet de ne pas laisser Mia seule trop longtemps. Aussi, la plupart des villes concernées ne devraient pas être de très grande taille — au moins leur centre historique. Dans le cas contraire, un nouveau voyage pourra toujours être envisagé. L’idée, c’est de partir tôt le matin, de revenir tard le soir, et entre les deux faire le plein de photos et de découvertes au pas lent et malhabile de l’explorateur contemplatif un brin tête en l’air. Et si, possible, en évitant la pluie. Première étape : Besançon. Je te raconterai.

Et puis écrire, bien sûr. Encore et toujours.

Le moment venu — le plus tard possible — n’oublie pas de glisser discrètement dans mon linceul un stylo à bille bleu et un carnet à petits carreaux, on ne sait jamais…

5. Le certificat de décès

Terminus ! Et malgré ce que beaucoup essaie de te faire croire, c’est vraiment la fin. Tu peux bien sûr trouver plein de dénominations plus ou moins drôles pour décrire ce nouvel état qui n’est plus la vie. Mort. Défunt. Disparu. Feu. De cujus. Cadavre. Entité organique en décomposition. Petit ange parti trop tôt. Vieux con parti trop tard. Peu importe. Ce certificat est l’ultime preuve qui valide ton parcours. C’est le mot fin sur la dernière page de ton livre.

Pour éviter toute forme de triche, ce certificat te sera souvent attribué par surprise. Même si tu en fais la demande. Raison pour laquelle tu ne dois pas t’en préoccuper. Tu peux par contre en préparer certaines conséquences. La plus habituelle mais aussi la plus problématique concerne l’héritage.

Pour ma part, je ne laisserai aucune valeur derrière moi, réduisant ainsi lesdites conséquences au strict minimum sous la forme d’un apéro bien mérité autour duquel les personnes présentes pourront chanter et danser puisque tout est une fête.

***

Petite annexe sans intérêt

En guise de préparation — outre que mes organes moisis pourront bien servir à quelques étudiants en médecine pour étudier les ravages du temps tandis que mes os usés amuseront leurs jeunes chiots — je me permets de formuler une demande assez particulière.

En tant qu’écrivain, je souhaite évidemment laisser une épitaphe mémorable. Une dernière punchline. Un dernier sourire.

À l’instar de la célèbre épitaphe du bassiste des Ramones qui a fait graver « O.K… I have to go now. » sur sa pierre tombale, reflétant ainsi magistralement ce qu’était la philosophie à la fois nihiliste et dilettante de son groupe, j’ai imaginé une phrase qui résumerait à elle-seule ma production littéraire. Du coup, si jamais une équipe de graphistes passait par ici par hasard, j’aimerais bien quelque chose qui ressemble au dessin ci-après :

fac-similé de pierre tombale portant l'inscription ci-jii et les dates 1960-2096

Alors, « dessin » est un terme un peu prétentieux pour ce gribouillis réalisé en moins de deux minute mais, d’une part, je ne sais pas utiliser les IA génératives, d’autre part, c’est juste pour que tu visualises l’idée. Une idée à la fois simple et efficace. Peu importe que cela soit lithographié sur un caillou jeté au sol ou gravé sur une urne appelée à servir de support à une jolie toile d’araignée au fin fond d’une cave à l’abandon.

N.B : Si la date de début est administrativement exacte, la date de fin est totalement fictive. L’auteur déclinera donc toute responsabilité en cas de non respect d’icelle. De fait, cette date ne doit sa présence qu’au style particulier que prennent les 6 et les 9 dans cette jolie fonte qu’est Garamond.

Bonne rentrée, toutes et tous !

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