Qu’est-ce que tu veux que je te raconte ? C’est la même histoire qu’il y a quinze ans et elle se terminera pareille. Une parodie de démocratie qui jouera parfaitement son rôle de diversion. Avec cependant un petit mojo supplémentaire dont j’avais commencé à t’entretenir il y a déjà quelque temps (t’as vu ? moi aussi je peux jouer au prophète… c’est tellement facile !).
L’élection quasi certaine d’un banquier d’affaires — adoubé par la quasi totalité des affairistes bankables — est évidemment une mauvaise nouvelle d’un point de vue social et citoyen puisque ces deux composantes de l’homo politicus sont appelées, à terme, à disparaître. De fait, ce premier tour confirme cette tendance : le business va remplacer peu à peu la politique dans les processus de décision collective. On peut d’ailleurs y associer l’élection récente de Donald Trump et le vote anglais en faveur d’une sortie de l’Union Européenne.
Certes, c’est déjà un peu le cas. Mais jusqu’alors, des gardes-fous constitutionnels existaient pour garantir à la collectivité de conserver une part importante dans les processus de décision et dans le contrôle de ces processus. Suffrage universel, liberté de la presse, liberté d’association, tous ces facteurs ont finalement eu l’effet inverse après avoir été patiemment mais efficacement récupérés par les banques et les industries : orienter ce qui survivait d’esprit démocratique dans l’antre déshumanisée des mileux d’affaires et des taux d’intérêt.
Et à partie du moment où le business aura la majeure partie des leviers de décision dans ses poches, pourquoi ira-t-il s’encombrer de revendications sociales d’un autre âge ? Déjà qu’aujourd’hui le MEDEF ne respecte pas ses engagements sociaux, pourquoi le ferait-il demain ? Si l’aspect économique du programme de Macron sera très certainement et très rapidement mis en œuvre, son aspect social et déjà mort et enterré. Les places boursières ont d’ailleurs fêté ce premier tour comme il se doit : en portant au plus haut le cours des banques françaises.
Le « contrat social » ne se transformera pas pour tous en « contrat de travail » puisque de travail on ne parlera plus. On évoquera des opportunités. La part croissante des travailleurs improductifs — à savoir les personnes dont l’activité ne génère pas de cash flow — se verra privée de représentation. L’intérêt de la nation sera celui de ses entreprises.
La multinationale sera alors la norme et naîtra progressivement un méta-État sans frontière et sans juge. Il n’y aura plus ni bien ni mal, mais du bénéfice ou de la dette. Les conflits entre actionnaires se règleront sur le tapis vert des stades, dans d’immenses Arena de verre et de lumière. La General Oil Incorporated y défiera l’Universal Food Company et le vainqueur mettra la main sur la New Tech Limited.
Un fascisme en costumes-cravates exploitera toutes les ressources des paillettes et du gros son pour empêcher le retour de la raison. Des mots disparaîtront des dictionnaires : confiance, pause, diversité, tolérance. Le plan de carrière idéal sera constellé de trahisons comme autant de preuves de compétences. Dans « trahison » il y a « raison » ou « trash ». L’outrage à la raison deviendra un fait d’armes dûment récompensé.
Et c’est peut-être là, finalement, que réside la vraie finalité de la révolution industrielle qui a débuté en Angleterre au cours du XVIIIe siècle. Commencer par se débarrasser des contingences sentimentales qui encombrent les hiérarchies humaines et les remplacer par des processus intelligents et reproductibles pour en finir avec la pagaille de l’évolution aléatoire et des mutations anarchiques.
Bienvenue dans la nouvelle ère de l’Homme de Gno-Macron et son « business über alles ! ».
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