De Rousseau à Lévi-Strauss en passant par la Lorraine

Le cerveau est une chose étrange. À la fois générateur d’idées nouvelles et fossoyeur des trous de mémoire, cet étrange organe, hybride circonvolutionnel de l’éponge et de l’ordinateur, plus absorbant que l’une et plus calculateur que l’autre, cet organe m’emmerde.

Alors que j’essaie de mettre un peu d’ordre (ou un peu moins de désordre) dans l’énorme fouillis de plus en plus inextricable des futurs textes que je ne finirais probablement jamais, voilà que ce cerveau me rappelle que j’avais naguère entrepris une forme de semblant d’étude sur un sujet socio-social à tendance sociétal, en conséquence de quoi, il vient de décider, rigolard et inopportun, de me remonter d’antiques formulations, de vieux cacas pompeux, de mornes amphigouris tortueux, d’étonnants jaillissements d’outre-bombe — l’outre-bombe étant à l’outre-tombe ce que l’Outre-Meuse est à l’Outre-Quiévrain, une incision concise sur une inception déceptive, un tout compacté à l’intérieur d’un résumé fragmentaire, une forme longue, oblongue et élastique de brièveté soudainement sublimée, entrecoupée du silence circonflexe propre au concert éphémère en lalala mineur de l’orchestre aphonique du post-opéra Satie-rique — sans parler, au risque qu’il s’en souvienne, de cette nouvelle manie de faire des phrases sans fin, sans respiration, sans autre source d’épuisement que ta capacité pulmonaire…

Ça va, t’es toujours là ?

Me voilà donc avec au bout des doigts, des mots qui ne sont pas de moi, des phrases dont je partage le sens mais que d’autres ont pensé, des idées inédites dont les bases sont déjà posées et je m’interroge à moi-même dans mon coin de ciel bleu sur l’utilité de continuer ce projet.

Et surtout, si je le continue, sous quelle forme ?

Le titre de cet article te donne une idée générale — et peut-être encore vague — du domaine concerné et de l’approche envisagée.

Qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête de ce putain de singe pour le faire descendre de son arbre et inventer, tout fier, le tire-bouchon qui pousse le bouchon au fond de la bouteille au lieu de le tirer d’icelle comme le laissait espérer son nom, la triple guerre mondiale qui pousse le bouchon de l’animosité entre humains un peu trop loin, les ponts du mois de Mai qui poussent les bouchons autoroutiers au sommet de leur forme ?

Comment et pourquoi ce « fragile primate inachevé » est passé du stade animalier au statut de fou-à-lier ?

J’ai bien sûr deux ou trois idées dont certaines se sont permises des incursions exploratrices dans quelques-uns des vieux textes de ce blog.

Mais au lieu de continuer à me répandre en honteuses mais amusantes hypothèses, je me suis à un moment laissé emporter par la soif de savoir et le besoin de vérifier deux ou trois choses dans une littérature abondante, technique, universitaire, confuse, difficile et pourrie de notes de bas de pages renvoyant à des ouvrages encore plus complexes et parfois en d’autres langues que ce français que j’adore outrager…

L’avantage, c’est que je pourrais faire l’intéressant et parsemer allègrement mon projet de citations de gens morts — qui donc ne se plaindront pas de se retrouver céans, loin du lustre habituel des pages de La Pléiade. L’inconvénient, c’est que je risque de perdre en originalité et de peut-être devenir ennuyeux — si ce n’était déjà pas le cas — en répétant, en moins bien, ce qui a déjà été superbement décrit.

Du coup, j’hésite. Non pas à poursuivre mes vérifications auprès des sommités ci-dessus — d’autant que, pour être d’accord avec Rousseau, au moins sur ce point, le retour à l’état antérieur, celui de l’homme naturel pour lui, celui du non-savoir pour moi, ce retour est désormais impossible une fois la frontière franchie — mais j’hésite à dérouler mon projet de la manière dont je l’avais conçu au départ.

Avant de trouver la bonne formule, ou la moins mauvaise, ou la plus mauvaise que je tenterais alors de maladroitement transformer en moins pire, je vais continuer de remplir ces pages en textes inutiles mais, je l’espère, délassant — sans rien dire, parmi d’autres projets, des textes que j’espère délaçant corsets, jupes et bustiers.

Et sans oublier d’aller faire quelques photos puisque le soleil semble avoir enfin retrouvé le chemin de la plus belle ville de la région parisienne !

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