Le vote : un droit, une liberté

C’est sans doute consécutif à ce morne dimanche de scrutin régional mais deux parmi les blogs que je lis, font, chacun à leur manière, un billet sur le non-vote. Sexactu : Miss France et emilblog : L’électoxicomanie

Ça m’interpelle d’autant plus que le droit de vote et sa liberté d’usage (ou de non-usage) est un des aspects les plus mal compris par les défenseurs de Sa Majesté Démocratie.

Un petit « flashback » dans ma vie de citoyen de base ?

Avril 2002, premier tour de l’élection présidentielle française. Tout le monde y va de ses commentaires et de ses pronostics, qui pour Chirac, qui pour Jospin… Vous connaissez tous la suite. Sauf que je l’avais annoncé (pas fier) à une tablée de potes une semaine avant le premier tour et j »étais passé pour le mauvais augure de service… Le dimanche soir suivant, le téléphone n’arrête pas de sonner et chaque fois que je décroche, j’ai les mêmes personnes, certaines en état de panique, pour me demander conseils et attitudes.

Comme j’y étais préparé (ayant envisagé ce scénario), ma réponse était simple : on ne bouge pas ! On ne participe pas à cette mascarade. Le Pen n’a aucune chance d’être élu et en mettant les choses au pire, s’il est élu, il n’aura aucun moyen de gouverner… donc pas de panique. On laisse Chirac se faire élire avec à peine 20% de votants donc sans aucune crédibilité, à égalité avec le PS de Strauss-Kahn qui, à l’époque, fut le premier à appeler à voter pour « le bruit et l’odeur ».

Mais va expliquer à des gens affolés qu’ils sont en train de faire une énorme connerie ! Je me suis battu, j’ai gueulé, j’ai argumenté, je m’en souviens comme si c’était hier, j’y pense tous les jours et j’en pleure de rage : Vous avez peur de Le Pen, vous aurez Sarkozy et ce sera pire !

Putain, comme j’aurais aimé me tromper sur ce coup-là ! Bien sûr, je ne suis pas allé voter pour ce deuxième tour de 2002… et je me suis fait traiter de facho… C’est fou comme certaines personnes aiment voir les choses uniquement en noir et blanc… soit c’est bien, soit c’est mal ; soit c’est mâle, soit c’est femelle ; grand ou petit, droite ou gauche, avec moi ou contre moi…

Les mêmes (plus d’autres) ont bien essayé de me prendre à rebours lorsque je suis allé voter pour le deuxième tour de la présidentielle de 2007 alors que je n’étais que dans la continuité de ma réflexion : éviter l’arrivée de Sarkozy et de son fascisme glamour…

Dans les deux cas et contrairement à mes (hélas !) congénères j’ai exercé et mon droit et ma liberté d’user du vote comme d’une expression argumentée, soutenue, suivie et revendiquée plutôt que comme une tradition, un exercice rituel qui aurait remplacé la messe ou le sacrifice des poulets aux entrailles divinatoires !

Car elle est là, la grande arnaque de la démocratie (enfin, de ce qu’elle est devenue…) : avoir érigé la possibilité d’un vote en préalable à toute action dite démocratique. Tout la vie politique est aujourd’hui réduite à un nombre incalculable de scrutins parmi lesquels il devient difficile de démêler les importances réciproques.

Vaut-il mieux voter aux cantonales et aux régionales puisque les conseillers généraux et régionaux qui en seront issus auront un important droit de regard sur la gestion des routes, des écoles, de l’hygiène, de l’eau, de l’habitat mais en page trois du « Gâtinais Libéré » ou vaut-il mieux s’écharper pour des présidentielles et des législatives dont les élus selon qu’ils portent leur dossard à droite ou à gauche s’agenouilleront satisfaits devant des banquiers repus ou se laisseront béatement sodomiser par eux ?

Le droit de vote n’est pas une obligation à voter.

Bien sûr, si je suis en train d’écrire cela (et si Maïa et emilpoe ont dessiné et transcrit des choses similaires) c’est justement parce que certains votes ont effectivement changé le cours de l’Histoire et favorisé d’indéniables progrès humanistes. La dépénalisation de l’avortement et l’abolition de la peine de mort en sont les deux plus récents exemples : sans vote (à tous les niveaux de la société), le chemin eût été plus long et plus tortueux.

Je ne cracherais jamais sur le droit de vote parce que certaines personnes n’ont que ça pour exprimer leur colère, leurs doutes, leur bêtise aussi, soyons clairs. Mais je ne cautionnerais jamais le « vote à tout prix ».

Le vote doit être la fleur du jardin démocratique pas son engrais. Il est le résultat d’une concertation pas le début d’une négociation. Il conclut un processus, il ne l’initie pas.

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